Jospin parle aux Américains

Trouvé dans Le Monde, un texte du camarade Michel, alias Lionel Jospin: Etats-Unis et France : pour une amitié plus sereine… Le texte de Lionel Jospin présente quelques aspects très révélateurs: d’abord il parle toujours de « nous » pour parler de « la France », donc de tous les Français, et de « vous » quand il s’adresse aux Américains, comme si ceux-ci constituaient une masse unanime. Or il se trouve que plus loin il écrit:

Cette position française a été appuyée massivement par notre opinion publique. S’il y a eu un débat chez nous, il a concerné la forme, le style de notre diplomatie, vis-à-vis de votre pays ou de certains de nos partenaires européens. Il n’a guère donné lieu à des désaccords sur le fond.

En effet: en France l’unanimité quasi-totale était acquise dès le début de la « crise », unanimité politico-médiatique. Les journaux ont complaisamment relayé Villepin, Chirak, et l’AFP a fourni les dépêches « prêtes à publier » pour éviter aux plus paresseux d’avoir même à analyser quoique ce soit.
Le débat fut inexistant. C’est indigne d’un pays qui se veut « démocratique« . Sauf si l’on parle de démocratie populaire. Qu’en a-t-il été aux USA ? Quel français est allé lire les journaux US ? Qui, à part une poignée de méchants pro-américains ? Pendant cette période je prenais mes infos sur CNN et les divers blogs US (dont notamment l’incroyable Command Post), lorsque je citais mes sources « on » me regardait avec des yeux révulsés: « comment peux tu croire les médias américains ?« .
Tout le monde en France savait que de toutes façons les médias US sont vendus à Bush, tandis qu’en France personne n’est inféodé au gouvernement, certainement pas l’Agence France Presse, ni Radio France (France Info, RFI…), ni France 2 et France 3…
Le système est bien bouclé, à tel point que lorsque le pauvre Alain Hertoghe l’a dénoncé, il a tout simplement été renvoyé du journal La Croix. Voilà ce qui attend les traîtres: au chômage!
Les pauvres françhouillards souffrants déjà avant cela d’un anti-américanisme de bon aloi en société, n’en demandaient pas plus. Bush est un crétin, les soldats Américains sont des assassins (sauf quand ils débarquent en Normandie ?), l’Irak c’est le Viêtnam (la jungle en moins ?), etc. Et Villepin qui lors d’une conférence de presse ne répond pas à la question qui souhaitez vous voir gagner la guerre ?….

En ce qui concerne l’Irak, nous n’avions pas d’indulgence pour le régime de Saddam Hussein, dont nous connaissions la férocité et que j’ai toujours, pour ma part, dénoncé. Nous ne cherchions pas non plus à préserver des intérêts économiques particuliers. Nous avons, comme vous, respecté l’embargo.

Ahhh l’embargo. L’embargo tout troué et le programme « Oil for food ». Combien de dizaines de milliards de dollars Saddam a détourné sous les yeux de l’ONU ? (voir par exemple: Instapundit 1, Instapundit 2, Instapundit 3… en fait il suffit de chercher « oil for food » chez Instapundit pour retrouver tous les articles sur ce sujet sur les autres blogs, le NYT, le WaPo etc…)
Et sur ces milliards, combien sont revenus dans des poches françaises ? Quels contrats Total avait signé avec Saddam ? Cela a-t-il influencé la position française ?

L’expédition en Afghanistan relevait de la légitime défense. L’Irak était un autre cas. Nous l’avons d’ailleurs dit à vos dirigeants dès cette époque quand ils ont évoqué ce projet. Les liens entre le pouvoir de Saddam Hussein et Al-Qaida étaient loin d’être évidents.

Ah tiens, voilà que Jospin soutient la légitime défense! Alors j’ai le droit de buter mon agresseur moi aussi ? Les Etats ont des « super » droits ? Il faut croire…
Pour le reste, quels étaient les liens entre Saddam et le terrorisme ? Salam Pak: camp d’entraînement avec même une reproduction taille réelle d’une carlingue d’avion pour vous entraîner aux prises d’otage et détournement d’avions! Ansar Al Islam: 500 terroristes qui s’entraînaient sur les Kurdes! Abu Nidal ? Ce nom ne vous dit rien ? Terroriste arrêté à Baghdad par les troupes US, mort depuis en captivité. Et il y a aussi la crevure d’Al Qaeda venue se faire soigner à Baghdad dont le nom m’échappe… Ah et j’oubliais l’essentiel: le financement par Saddam du terrorisme « palestinien ».
Evidemment énoncer cela c’est ne faire aucun cas de la stratégie générale du gouvernement US, qui est ni plus ni moins que de faire tomber les régimes crapuleux dictatoriaux théocratiques kleptocrates de la région…

peut-on décider une « intervention démocratique » dans un cas unique ? Et pourrait-on, sans bouleverser les relations internationales, fonder désormais un droit d’intervention militaire dans tout pays sur la nature non démocratique de son régime, en balayant le principe de souveraineté ?

Le métier de tout leader, c’est de prendre des décisions basées sur des critères de pertinence en regard de l’objectif poursuivi. En l’occurence pour démocratiser le Moyen-Orient, c’est sûr que détruire le régime de Saddam était plus, comment dire, logique que de s’occuper de Cuba. En tant que politicien amené à prendre des décisions, Jospin ne comprendrait-il pas ça ? Heureusement qu’il n’a pas été élu président…

Il reste à savoir aussi si la démocratie peut être exportée de l’étranger sur la base d’une intervention militaire […] Un pays dévasté par des décennies de dictature, ethniquement et religieusement divisé, sans société civile vivante, où les partis politiques n’existent pas, où la légitimité des leaders est à construire, mais où peuvent flamber toutes les passions du monde islamique, est une terre où il sera difficile d’implanter la démocratie

Aheum. Il y avait aussi des objections très fortes concernant le Japon en 45, et même si Jospin balaye le Japon et l’Allemagne d’un revers de la main (La comparaison avec l’Allemagne, voire avec le Japon de 1945, ne nous paraît pas pertinente, toujours en utilisant « nous »!), il ne faut pas mésestimer la capacité à produire l’impossible! La maxime « impossible n’est pas Français » devrait être changée en « Impossible n’est pas Américain »!
D’autre part Jospin néglige complètement le fait que les Irakiens eux-mêmes veulent la démocratie, ce qu’ils ont dit dans plusieurs sondages (voir par exemple ABC News, et que donc elle n’est pas « imposée » mais souhaitée!
Plus grave, Jospin ignore complètement la situation réelle de l’Irak:

Pour tout dire, nous craignions que l’intervention ne débouche sur une situation extraordinairement difficile et complexe. Nous y sommes

Je l’incite donc à lire La réussite coalisée en Irak (article de Ludovic Monnerat).

Vous devez éviter un enlisement coûteux en vies humaines et en moyens que votre opinion, malgré tout son patriotisme, ne supporterait peut-être pas. Mais vous ne pouvez pas non plus quitter l’Irak dans des conditions qui démentiraient vos objectifs affichés : la démocratie dans le pays, une stabilité accrue dans la région.

Quel enlisement coûteux ? Depuis quelques temps mystérieusement le décompte des victimes américaines a disparu des journaux… tout simplement parce qu’elles se font rares. Et il agite aussi le spectre « viêtnamien »… d’un ridicule abouti!

En tant qu’amis, en tant qu’alliés, comme démocratie, nous savons bien que votre échec serait un échec plus large. Dans le même temps, nous ne pouvons que rester fidèles aux principes et aux méthodes auxquels nous croyons pour régler les conflits dans la vie internationale

Je traduis: bon finalement vous avez raison sur le fond, mais la forme me convient pas. De toute façon les règles les terroristes ils ne connaissent pas, tandis que l’ONU est complètement discrédité (cf le programme Oil for food, le Kosovo, la Commission des Droits de l’Homme présidée par la Lybie…). Pourquoi alors demander la permission à l’ONU de bouger le petit doigt ? L’ONU est aussi utile que la Société des Nations en son temps.

En Irak, les obstacles ne sont pas de nature militaire, ils tiennent aux données culturelles, sociales et politiques, qui sont si difficiles à changer. C’est là que les arguments des intellectuels et des experts néoconservateurs se révèlent simplificateurs et dangereux car, paradoxalement pour des réalistes, ils négligent la force de certaines réalités.

Toujours la supériorité culturelle française…
Presque paradoxalement Jospin écrit ensuite que les US sont sans rivaux sur tous les plans et que les US ne constituent en rien un empire, mais regrette que le gouvernement US ne s’embarasse plus de l’ONU, et surtout que les USA n’utilisent pas leur puissance comme il l’entend:

Et la sagesse ne consiste-t-elle pas, pour une grande puissance démocratique, à rechercher comment la poursuite de son intérêt national peut rejoindre l’intérêt général ?

L’intérêt général > intérêt national ? C’est donc l’intérêt « mondial » ? Hou la belle bête!

Jospin en vient ensuite aux fondements de ces « incompréhensions », et c’est là qu’il touche le fond:

Le premier concerne la dialectique du Bien et du Mal. Votre pays justifie une partie de sa politique internationale par la nécessité de lutter contre un « axe du Mal ». […] En tout cas, nous n’utilisons guère dans l’espace politique l’opposition manichéenne entre le Bien et le Mal. D’autant que les incarnations du Mal peuvent changer. Les talibans l’incarnent aujourd’hui, ce n’était pas le cas hier, quand il s’agissait de lutter contre l’occupant soviétique en Afghanistan. Il y a donc une mutabilité du Mal. Pour parler de nos adversaires au plan international, nous utilisons les mots de la politique plutôt que ceux de la morale et, en tout cas, pas ceux de la religion.

Bingo, Herr Jospin! En France on ne connait ni Bien ni Mal. On ne sait pas ce que c’est. Relativisme moral. Tout est « nuancé ». En France il n’y a pas de définition du Bien et du Mal car il n’y a pas d’absolu, quoique, si, à la rigueur, il y a Le Pen, le Mal Absolu. Mais même de lui aucun homme politique ne s’est risqué à dire que ses idées représentaient une facette du Mal.
La « transmutabilité » du Mal est un faux procès. En 79, fallait-il précipiter la fin de l’URSS ou s’occuper de la prochaine guerre ? Quelle était la priorité ? D’autre part les Talibans n’existaient pas en 79… les Talibans datent de 1996… et la CIA n’a pas financé les islamistes, mais les Afghans locaux, ce sont les Séoudiens qui ont financé les futurs terroristes…
Si en France on est toujours en retard d’une guerre, quand les USA se battent pour gagner celle en cours, on va encore leur reprocher de ne pas gagner celle d’après ?!

Je ne me sens pas étranger, bien entendu, aux tentatives pour « moraliser » la vie internationale. D’ailleurs, le droit international n’est-il pas une façon de codifier des valeurs ? Mais si l’on parle du « Mal », se borne-t-il au terrorisme ? La famine, la misère de masse, les grandes endémies, les atteintes irréversibles à notre milieu naturel sont des maux tout aussi graves pour notre commune humanité. Eux aussi requièrent la mobilisation de tous.

Je l’attendais! C’est donc ça l’intérêt général mondial! Il faut « mobiliser », bien entendu! Et vive Kyoto, vive le réchauffement, vive les règlements internationaux! Sus aux capitalistes exploiteurs pollueurs!

Le deuxième sujet de débat porte sur la globalisation et la régulation économique. La globalisation de l’économie est un processus irrésistible mais ambivalent : elle favorise la croissance globale mais s’accompagne d’inégalités croissantes. Elle libère des énergies mais entraîne des conséquences négatives (mouvements de capitaux spéculatifs, recherche systématique du coût du travail le plus bas, criminalité transnationale) qu’il faut contrecarrer. Mon pays, comme le vôtre, est pleinement engagé dans le flux de la globalisation. Mais nous souhaitons qu’elle soit maîtrisée

Bref, nous voulons faire du monde la même chose que la France: pleins de taxes, pleins de lois, pleins de chômeurs, des pénuries de ci ou ça… Mais c’est le paradis socialiste, alors pas d’inquiétude, tout ira bien avec des médias « Ã  la française »!

Troisième sujet de débat : le conflit israélo-arabe. […]Amis d’Israël, nous défendons son droit à la paix et à la sécurité. Nous reconnaissons au mouvement national palestinien le droit de s’incarner dans un Etat. Nous condamnons de la façon la plus catégorique le terrorisme. Mais nous ne pensons pas que la politique actuelle du gouvernement israélien puisse assurer la sécurité et la paix durables auxquelles Israël aspire. C’est pourquoi nous souhaitons que les Etats-Unis et l’Europe pèsent plus fortement en faveur d’un retour au dialogue pour trouver une solution politique garantissant les droits de chacun.

Quel dialogue politique ? Celui du Hamas, du Hezbollah, du Fatah ? Autant dire: des bombes, des bombes, et encore des bombes ? Il appelle ça un « dialogue » ? Arafat a refusé 93% des territoires « occupés », la moitié de Jérusalem et a lancé la 2nde Intifada. Voilà la récompense du processus de paix entre 93 et 2000.
Il est impossible de dialoguer avec des terroristes. Arafat étant lui-même un terroriste, il est impossible de discuter avec lui. Puisqu’Arafat ne fait rien contre les autres groupes terroristes « palestiniens », Israël doit le faire. C’est une nécessité absolue dont dépendent les vies de centaines de personnes. La seule façon pour avoir la paix un jour est d’éliminer tous ceux qui veulent la guerre, et au pire, de se cloîtrer en sécurité.

Je ne crois pas (…) à la théorie selon laquelle il serait possible de « remodeler » le Proche-Orient à partir de l’Irak en imposant par la force de nouveaux régimes aux pays voisins. Mais je ne me résigne pas au statu quo dans cette région. Le monde arabe n’est pas voué à se vivre comme une victime frustrée de l’histoire. Les peuples du Proche-Orient ont besoin de connaître un mouvement de réforme englobant le mode de développement, la démocratie, le rapport de la religion à l’Etat, le statut des femmes. Pour les aider, nous devons comprendre leurs difficultés, combattre résolument les forces du fanatisme, pousser les régimes en place à l’auto-réforme, chercher à nouer le dialogue avec les forces authentiques de progrès

Comment combattre réellement les forces du fanatisme ? En organisant des colloques ou en tuant les chefs terroristes ? Avec qui « dialoguer » ? Avec les dictateurs corrompus et meurtriers ? Comment pousser les régimes en place à l’auto-réforme ? Pourquoi le feraient-ils si il n’y a aucune alternative pour leurs peuples, aucun risque pour eux-mêmes à continuer leurs vies tranquilles de milliardaires sanglants ?

Je suis convaincu qu’une solution positive du problème palestinien pourrait être un levier efficace pour favoriser l’évolution et la réforme dans le Proche-Orient et ailleurs dans le monde arabe

Comment et pourquoi ? Quel Etat palestinien ? Dirigé par qui ? Des ex-terroristes ? Pourquoi cela pousserait les autres à se réformer ? Cela constituerait plutôt une victoire immense pour les terroristes: par la force on obtient ce qu’on veut! C’est du grand n’importe quoi!

Ouf j’arrive au bout. J’allume un cierge: prions pour que la retraite de Jospin soit définitive.