Voilà plusieurs années maintenant que je lis 20 Minutes quasi quotidiennement. Le format est pratique, la mise en page très claire, les articles succints, et j’y trouve même une source inépuisable de sujets pour la PL… Bien évidemment, les gratuits ne font pas le bonheur de tous notamment de la concurrence… payante! Et quand Jean-François Kahn les attaque, on exulte! Voici ce qu’écrit JF Kahn dans le Nouvel Obs:
C’est une escroquerie ! On dit : « Quel succès, 400 000 exemplaires par jour ! » Imaginez ce que pourrait dire le PC : j’ai distribué 3 millions de tracts, c’est le plus gros succès journalistique de tous les temps! La seule chose objective, c’est que certaines personnes ne lisent plus d’autres journaux.
Une escroquerie, oui messieurs dames, une escroquerie! Moi je veux bien, mais qui est escroqué là -dedans ? Les 2 millions de lecteurs (en moyenne) de 20 Minutes ? Ou ceux de Métro ? Comment pourraient-ils être escroqués puisqu’ils ne payent rien ? ahhh! Mais j’y suis! ce sont les annonceurs qui se font avoir! Ils payent pour toucher les jeunes actifs, et… pour les satisfaire les gratuits se donnent les moyens:
Au royaume des gratuits, le sacro-saint « jeune-actif-urbain », si cher aux annonceurs depuis qu’il aurait déserté la presse payante, est le seul lecteur qui compte. « Metro » et « 20 minutes » mettent le paquet pour aller le chercher. « On peut quasiment dire qu’on choisit notre lecteur », se félicite la directrice commerciale de « 20 minutes », Laurence Bridier. Deux titres qui se proclament pourtant quotidiens d’informations généralistes… En fait, de redoutables produits marketing, veillés de près par une batterie de commerciaux. Aussi nombreux que les journalistes !
Et contrairement aux distributions de tracts qui terminent dans les poubelles (surtout ceux du PC j’espère), les gens lisent les gratuits:
[…] Des wagons entiers transformés en clubs de lecture standardisée, des bataillons de visages plongés dans les colonnes de « Metro » ou de « 20 minutes », les deux quotidiens gratuits distribués devant les stations de métro, RER et certaines gares franciliennes.
La comparaison de Kahn est donc totalement hors de propos puisque non seulement le lectorat est ciblé, la cible est touchée, donc les annonceurs ont tout à fait raison de signer avec les gratuits…
Il faut donc en déduire que le dindon de la farce est ailleurs! Mais où ?
Mais on ne les a pas attendus pour savoir que les journaux sont trop chers, trop longs et incompréhensibles à moins d’avoir bac + 5.
Diantre, mais c’est que Kahn connait le marché! Le voilà en train d’avouer que les gratuits répondent à une demande particulière d’un segment jusque là abandonné! Il le savait même avant l’arrivée des gratuits, mais en bon entrepreneur qu’il est, il a… heu… lancé son magazine Marianne! Bravo M. Kahn, vous avez beau être un socialiste bien français, vous n’en en avez pas moins l’esprit d’initiative indispensable à la réussite en affaires! Peut-être avez-vous peur que cette presse gratuite attaque le même segment que votre magazine alors ?
Si un boulanger distribuait une baguette gratuite, on considérerait que c’est une atteinte à la libre concurrence. Pourquoi cette exception pour les journaux ? Evidemment qu’ils tuent la presse ! Ils accélèrent le passage des titres indépendants entre les mains des capitalistes. En plus, ils laissent croire que le journalisme, l’intelligence, le reportage, l’enquête, ne valent pas un sou.
Ah, il se dévoile enfin! C’est lui, la victime de « l’escroquerie »! Ses recettes publicitaires auraient baissé ? Ses ventes ? Les journaux ont deux sources de financement: la publicité et le lectorat. Certains journaux vivent uniquement de leurs abonnés et de leurs lecteurs occasionnels. La presse gratuite a fait le pari inverse: ne vivre qu’avec la publicité! Un pari audacieux qu’elle est en train de réussir, au grand dam de Kahn: son métier est « dévalorisé », et pire: les grands capitalistes pourraient y mettre leur nez, et Kahn perdre son job!
Admirez aussi la logique implacable: au nom de la libre concurrence, contre laquelle il se bat sans cesse, Kahn en appelle l’intervention de l’Etat, car qui d’autre peut interdire les gratuits, ou imposer un prix « juste », « minimum » ? Il nous fait quoi là ? Le coup du capitaliste qui cherche à tuer les concurrents gênants au moyen de l’Etat ? Et après il viendra se plaindre du manque d’indépendance des médias vis-à -vis des « capitalistes » (comme si une entreprise pouvait se passer de propriétaires!), quand lui sera dépendant de l’Etat ?
Pour ma part j’attends avec impatience le jour où le pain sera gratuit, mais je ne dois pas avoir les mêmes préoccupations que M. Kahn…
(Merci à Eric ABC)
N’oublions pas qu’en 2002, la parution de « Métro » avait soulevé l’indignation du Syndicat du Livre (C.G.T), dont les sbires n’avaient pas hésité à s’en prendre physiquement à ses colporteurs, saisissant les journaux et les détruisant
(cf. http://cvincent.club.fr/actualite/textes/leracket.htm).
Je cite un extrait de l’article :
« Ainsi depuis la libération, le syndicat du livre exige que l’on passe par lui pour l’impression et la distributon des journaux afin qu’il puisse prendre sa part du gâteau au passage, qu’il puisse exercer son racket. Et ce syndicat est gourmand, il ne se contente pas d’une maigre part. D’après Serge July, directeur du journal Libération, à cause du syndicat du livre, le prix des journaux en France est plus élevé de 30%, autrement dit un quotidien coutant aujourd’hui 1,30 Euros couterai seulement 1 Euro si l’on empêchait le syndicat du livre de nuire.
Voilà donc ce que nous devons à ce syndicat du livre : à cause de lui, nous payons nos journaux 30% plus chers et nous sommes pour l’instant privé du journal gratuit Metro.
Quand nous déciderons nous à faire cesser ce racket ? »
Mais cela, JFK l’a sans doute oublié…
« Si un boulanger distribuait une baguette gratuite, on considérerait que c’est une atteinte à la libre concurrence » écrit Kahn.
Qui ça « on »? Vous l’écrivez: « lui » en fait, avec le législateur.
Mais rien ne justifie qu’un boulanger n’ait pas le droit de donner une baguette qu’il a fabriquée, ce serait la concurrence: la concurrence n’exclut rien, en particulier pas le don qui amène à parler de « gratuité ».
Rien ne justifie qu’un médecin n’ait pas le droit de demander les honoraires qu’il juge bon, mais qu’il doive rendre des comptes aux bureaucrates de l’organisation de la SS.
La « libre concurrence » de Kahn et de tous les socialo-communistes, c’est le contraire de la concurrence, c’est peut-être pourquoi d’ailleurs ils emploient l’expression codée « libre concurrence » pour inconsciemment le signifier et ont forgé un « droit de la concurrence » pénalisant vous et moi.
« Pourquoi cette exception pour les journaux ? » ajoute-t-il. Il ne répond pas ou plutôt, méthode hypocrite habituelle, il instille deux sentiments: « on veut tuer la presse » et « les capitalistes vont racheter ».
A défaut de l’être, Kahn prend les gens pour des imbéciles. Il n’a peut-être pas compris, il ne veut pas voir qu’en raison du progrès technique, l’échange d’informations que concrétisait la « presse » avait changé de forme,ou plus exactement,que les formes s’étaient multipliées.
Aujourd’hui,la « presse » n’est plus qu’une forme parmi d’autres. On ne peut que s’en féliciter: qui y a-t-il de plus souhaitable que l’information en temps réel, aujourd’hui disponible, que la « presse » ne saurait fournir?
Elle survivra si, contrairement à ce qu’il écrit, « le journalisme, l’intelligence, le reportage, l’enquête », reviennent à leur principe et à leur spécificité et se voient accorder ainsi des valeurs supérieures à celles qu’il leur fait accorder, par exemple, par ses écrits sur les libéraux.
Reste au législateur à comprendre qu’il en est ainsi dans tous les domaines et à supprimer les interdictions.
Bravo Mr Duray, cela fait plaisir de lire ce genre de mise au point. Le problème des franchouilles façon JFK et consorts, c’est qu’ils ont TOUJOURS besoin de boucs émissaires pour se justifier.
Merci Hervé de relever les inepties de J.-F. Kahn. Le concept de
concurrence déloyale est toujours mis en avant par ceux des producteurs
dont le produit ne rencontre plus la faveur du consommateur. Ils
n’acceptent pas l’innovation du nouvel entrant sur le marché car cela remet
en cause leurs pratiques routinières. Elle est de surcroît soumise aux
diktats d’un autre siècle par la CGT du livre. Tout cela fait de la presse
française la parente pauvre et toujours geignarde de toute la presse
européenne. Mais pour adoucir ces maux, l’État subventionne largement la
presse française. Tout cela explique qu’elle n’est pas incitée à innover
puisqu’en fin de compte ce ne sont pas les lecteurs et les annonceurs qui
financent mais aussi le contribuable à qui, comme d’habitude, on ne
demande s’il est d’accord.
« La théorie de la concurrence pure et parfaite est formellement juste, mais
elle s’applique à un monde qui n’existe pas.
Comment alors définir la concurrence ? Tout simplement en des termes
proches de ceux du sens commun. Il y a concurrence lorsqu’il y a liberté
d’entrer sur un marché. Si cette liberté existe, des innovateurs essaieront
de concurrencer les producteurs existants, cÂ’est-Ã -dire quÂ’ils essaieront
de se différencier de manière à être meilleurs quÂ’eux. » dixit Pascal Salin in
Le Dictionnaire des Sciences Economiques, Éditions PUF, 2001.
Donc bravo à 20 Minutes qui s’est introduit sur le marché de l’information
avec des méthodes nouvelles (financement par les annonceurs, je suppose)
et qui semble en passe de gagner son pari.
Bien à vous.
Juste un petit détail: Marianne est en parfaite santé et ne souffre nullement de la concurrence des gratuits. Et oui…
« Juste un petit détail : Marianne est en parfaite santé
et ne souffre nullement de la concurrence des
gratuits. Et oui… »
Excellent symptôme de la décadence française. A
propos du torchon Marianne, voir :
http://www.pageliberale.org/commentaire.php?niw=499#1772
« « La théorie de la concurrence pure et parfaite est formellement juste, »
Ne surtout jamais dire cela, Emma.
La théorie de la concurrence pure et parfaite est formellement absurde.
On ne peut pas imaginer un monde peuplé d’êtres vivants où elle puisse exister.
Tant que l’on emploiera le mot « juste » à son propos, quelqu’un essaiera de s’approcher d’un monde où elle serait censée exister. On s’enfoncera alors dans l’imbécillité et l’inefficacité. C’est ce que tentent de faire les autorités européennes encouragées par les économistes néo-classiques.
Fais toi un petit diagramme.
Prix en verticale, Quantités en horizontale.
Pour un bien donné un prix donné, donc une horizontale passant par Po.
Tout offreur producteur « voit » cette droite. Les producteurs sont tout petits, ‘atomisés’, sans influence sur les prix, ni les quantités offertes, tout en pouvant produire autant qu’ils veulent et offrir à ce prix.
Tout demandeur acheteur consommateur est dans la même position. Il « voit » la droite. Il est tout petit, tout ‘atomisé’, n’a aucune influence sur le prix et la quantité, tout en pouvant demander autant qu’il veut à ce prix.
Et malgré cela le marché fonctionne à un point Po, Qo bien déterminé.
Pourquoi celui là ? Comment y est on arrivé ? Ou bien qui le détermine ?
Essaie de réconcilier tout cela sans t’embrouiller irrémédiablement les axones.
Pour le reste tu as raison.
Cher pleutre trop anonyme,
Merci de vos remarques. Mes axones se sont bien comportés : ils en
arrivent à la conclusion que c’est un ordre qui nous dépasse qui arrange
tout cela. Ils me suggèrent de l’appeler « la main invisible » mais il me
semble avoir déjà vu ça quelque part…
Ce qui m’étonne, c’est que la majorité des gens ignore ce fait naturel si
élégant – au sens de l’élégance mathématique – : tout ça s’arrange
naturellement. Et moins l’homme intervient, mieux c’est.
Pourquoi tant de gens sont-ils rétifs à admettre ce fait ? Avez-vous une
idée sur la question ?