Invasion de l’état

Voici encore un extrait de mon blog.

L’étatisme est fondé sur la croyance superstitieuse en l’État, entité divine abstraite incarnée dans l’Administration transsusbtantiée, et donnant une âme à la société. À ce titre, il est la version moderne de la superstition primitive en un Dieu incarné par l’Église et donnant une âme au monde.

Or, l’État — principe de coercition dans les rapports humains — est véritablement l’antithèse de la Société — principe de coopération entre les hommes. Partout où l’État avance, la Société recule. Nous l’allons illustrer tout-à-l’heure. Au fur et à mesure que toutes les activités « publiques », impliquant l’interaction de personnes faiblement liées les unes aux autres, deviennent taxées et réglementées, les individus se réfugient dans la sphère « privée », celle qui reste encore hors de portée de la surveillance étatique. Les limites de cette surveillance politique sont liés aux coûts de son extension, qu’ils soient techniques, juridiques, ou autre: les individus peuvent refuser la légitimité de l’état en cette matière; la fraude peut être trop difficile à détecter, la corruption à éviter, etc. Mais à coup de recherche technologique (à commencer par la technologie fiscale) et d’avancées dans l’idéologie étatiste (grâce notamment à la guerre, qu’elle « contre la drogue », « contre le terrorisme », « contre la pauvreté », etc.), les étatistes avancent constamment la sphère « publique » et reculent constamment la sphère « privée ».

Chose d’autant plus remarquable qu’on ne la remarque plus, le mariage, relation on ne peut plus intime entre deux individus (éventuellement plus) est contrôlé par l’État, via une pression fiscale et réglementaire très forte, sans parler de la propagande religieuse (fût-elle athée aujourd’hui). Le PACS n’est jamais que l’extension de ce contrôle aux couples homosexuels, ce qui est un cas typique d’égalitarisme: évolution vers une oppression plus communément imposée, et non pas vers une liberté plus générale génératrice de diversité.

Au fur et à mesure que l’État envahit les libertés individuelles, les individus se réfugient dans la sphère des libertés qui leur restent. En effet, à quoi bon dépenser son temps et son énergie à comprendre et évaluer les diverses opportunités qui se présentent au sujet de décisions qui ne dépendent pas de soi mais d’autrui? C’est une pure perte de ressource, dont le résultat n’est au mieux que frustration. Non, vraiment, les édits de l’autorité, tels les coups du destin ou les aléas de la météo, ne valent pas d’être contestés, seulement d’être prévus, acceptés et intégrés. Ils ne méritent pas qu’on y investisse une quelconque part de rare et précieuse rationnalité. À la rigueur, les accompagner d’une dose d’émotion adéquate permettra de s’allier la bienveillance des divers pouvoirs en place plutôt que leur opprobre. Seuls les proches du pouvoir, chefs de corporations et autres lobbyistes, ont une action efficace, et leur intérêt est de préserver et étendre indéfiniment les privilèges.

L’Autorité décide-t-elle de s’occuper d’éducation ou de santé? L’éducation ou la santé n’est plus alors un sujet d’intérêt pour le commun des mortels; il n’est que de s’enquérir des édits de l’Autorité, de consulter ses oracles en cas de doute, d’exiger de l’Autorité ce qu’elle nous a promis, et de la supplier de nous accorder plus. Oh, entre ami, on discutera encore d’éducation ou de santé: dans quelle école placer ses enfants? À quel hôpital consulter? Comment remplir un dossier pour aller au bon lycée? Comment avoir le maximum de soins en payant le moins possible? Bref, comment tirer son épingle du jeu étant donné le choix restreint par le monopole? Mais quant à savoir si le jeu vaut, si la méthode pédagogique générale est bonne ou pas, si l’approche médicale officielle est adaptée ou non, voilà des questions qui paraissent incongrues. Les programmes officiels ne sont-ils pas une donnée incontournable? N’y a-t-il pas une médecine officielle décidée par l’Autorité? À quoi bon tenter de refaire le monde? Tout juste faut-il pétitionner l’Autorité pour réformer le système, si on y décèle quelque « dysfonctionnement » tel qu’il mobilisera les masses — et pour de telles pétitions, on ne manquera pas de suivre les lobbies subventionnés spécialistes de la chose — au profit des intérêts corporatifs en place.

Il ne faut pas chercher ailleurs les causes de la dissolution des liens sociaux, de la désintégration du tissu social. Plus l’État avance, plus les individus se replient dans ce que les étatistes appelleront « Ã©goïsme » ou « individualisme », mais qui n’est en fait que la nécessaire conséquence des mesures collectivistes dont ils réclament l’extension indéfinie.