Langue de boeuf

La langue est à l’image du peuple qui la pratique.
Autrefois lingua franca de l’aristocratie européenne et latin des diplomates, la langue française n’est plus aujourd’hui que le passe-temps coûteux d’une poignée d’étudiants désoeuvrés dans les Alliances Françaises de quelques capitales mondiales. Le Comité olympique la boude, les « jeunes européens » lui préfèrent l’anglaise, les Africains courtisent la langue de Jefferson.

Tandis que la belle de Shakespeare avance en courant, se mue et s’enrichit quotidiennement de tous les trésors labiaux humains, sans crainte de se métisser, celle de Molière s’interroge sur le sexe des ministres, se complaît dans ses carcans grammaticaux d’un autre âge entretenus par des éternels sur le seuil de la mort, et s’enferme dans des quotas et lois linguistiques xénophobes, au pays des Droits de l’homme.

Il n’a plus guère que les Français pour croire encore au « génie » de leur langue. Vu de l’extérieur, ce « génie » ressemble plutôt à une momie jetée à la décharge avec sa lampe-à-huile. Combien de temps encore son sarcophage servira-t-il de radeau à ces fiers moustachus ?