A 5,5 milliards d’euros d’erreurs près.

 

Pendant quelques semaines (de janvier à mai 2006), nous avons eu droit aux arabesques des gens du « pouvoir exécutif » sur le montant du déficit de l’Etat en 2005, « autour de 45 milliards d’euros », soit 300 milliards de francs, chiffre considérable qui échappe à l’entendement (cf. La page libérale, le post  « rectification » http://www.pageliberale.org/?p=1420)
Fin mai 2006, on pouvait lire ici ou là dans la presse :
“En fin de compte, le déficit n’est pas de 43,5 milliards comme annoncé par le gouvernement, il est de 49 milliards d’euros”. “Cela n’est pas, dans la législation actuelle, irrégulier”, a déclaré Philippe Séguin, le premier président de la Cour des Comptes, mais “on peut considérer que ça n’est pas sincère”, et donc pas dans l’esprit de la Lolf (loi organique sur les lois de finances) !
Bref, le chiffre a été entaché d’une erreur de 5,5 milliards d’euros, soit 36 milliards de francs (… du temps où on n’était pas « euros »).
 

Et voici que maintenant de nouvelles arabesques nous sont offertes par les mêmes à propos du montant du déficit de l’organisation de la sécurité sociale obligatoire, la même année (merci à Laure Allibert pour l’écho : « Perdu morceau de trou noir, s’adresser au ministère du Déficit http://quitter_la_secu.blogspot.com/2006/07/perdu-morceau-de-trou-noir-sadresser.html )
 

« Le déficit de la Sécurité sociale en 2005 n’a pas été de 11,6 milliards d’euros mais de 16,9 milliards : c’est ce qui ressort du bilan annuel publié hier par l’Acoss (l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale).
 Le 8 juin, devant le congrès de la Mutualité française, Dominique de Villepin,le Premier Ministre, se réjouissait pourtant en constatant que «nous continuons à progresser dans la voie d’un équilibre».

Devant le même auditoire, Jacques Chirac, lui-même, le Président de la République, prédisait «un retour à l’équilibre en 2007».
 

Où finit la figure ?

Où commencent l’erreur volontaire, le mensonge, la certitude de l’impunité ?

Où git l’incompétence notoire qui doit conduire à terme à l’abandon de ces organisations publiques dénommées respectivement « Etat » et « organisation de sécurité sociale obligatoire » (en abrégé OSSO), à leur fermeture une bonne fois pour toutes, faillies ou non ?

D’abord, il convient de rappeler que l’Etat et l’OSSO sont deux organisations institutionnellement différentes (cf. les nombreux posts de « La page libérale » qui traitent le sujet).
Certes, depuis la création de l’OSSO à partir d’octobre 1945, beaucoup ont essayé de la faire entrer dans le giron de l’Etat, le dernier en date étant le gouvernement Juppé de 1995-97, Chirac étant déjà Président de la République.
Mais ils n’y sont pas parvenus.  Les groupes de pression en place qui en tirent encore des avantages et croient que cela perdurera veillent à empêcher l’absorption (cf. « De 1945 à 2005 », http://blog.georgeslane.fr/category/Economie-appliquee-de-lorganisation-de-la-securite-sociale/page/5). 

En passant, ils veillent aussi à ce qu’aucun quidam ne puisse faire entendre le son de la cloche sauveteuse qu’est la privatisation (cf. par exemple sur la privatisation de l' »OSSO maladie » http://blog.georgeslane.fr/category/Economie-appliquee-de-lorganisation-de-la-securite-sociale/page/2) et sur celle de l' »OSSO retraite » http://blog.georgeslane.fr/category/Economie-appliquee-de-lorganisation-de-la-securite-sociale/page/16). 
 

Ensuite, 16,9 milliards d’euros, c’est quoi ? C’est plus de 110 milliards de francs, chiffre considérable qui défie l’entendement.
Mais c’est surtout 16,9 milliards d’euros de déficit, autant de ressources manquantes que l’ACOSS, organisme créé à l’occasion de la grande réforme de l’OSSO en 1966-67 – de Gaulle étant président de la République -, « tiroir caisse » et non pas « banque » de l’OSSO – comme l’écrivent certains de façon erronée -, a obtenues du marché financier au « non su » et au « non vu » non seulement des assujettis, mais aussi de ceux qui ont la prétention de voter annuellement, depuis 1995, une loi de financement de la sécurité sociale en parallèle à la loi de finances de l’Etat, à savoir les parlementaires (députés et sénateurs).
C’est donc encore un futur grevé par les intérêts et l’amortissement des emprunts en question sur quoi aucune arabesque n’est effectuée. 
 

Rappelons en passant qu’il y a dix ans, le gouvernement Juppé, sous présidence de la République identique à celle d’aujourd’hui, créait un nouvel impôt, la CRDS (contribution au remboursement de la dette sociale) et augmentait le taux de la CSG (contribution sociale générale) – créée quelques années auparavant par le gouvernement Rocard – pour soi-disant solder une bonne fois pour toutes la dette sociale accumulée par les Français et ne pas la faire supporter aux générations futures, la dette en question donnant lieu à la création d’un nouvel organisme, à savoir la CADES (Caisse d’amortissement de la dette sociale). 
Aujourd’hui, on a donc non seulement CSG, CRDS et coût de fonctionnement de la CADES – sans oublier la cotisation spéciale de sécurité sociale (CSSS ou C3S) « payée par les entreprises » -, mais encore ces emprunts de montants abyssaux que le marché financier – mondial – n’aurait pas eu la capacité de nourrir il y a simplement une vingtaine d’années.  S’il en a désormais la capacité, c’est à cause de la déréglementation étatique mondiale et des progrès scientifiques et techniques en matières informatiques et financières.
 

Enfin, 16,9 milliards d’euros, c’est 11,6 milliards à quoi s’ajoutent 5,3 milliards d’erreurs, soit plus de 35 milliards de francs - chiffre considérable - qui ont du être financés en tout arbitraire et ont arrondi d’autant intérêts et amortissement futurs de la dette.
 

Il reste qu’on retrouve ainsi un chiffre d’erreur voisin – en valeur absolue – de celui qui a entaché celui du déficit de l’Etat puisqu’il était de 5,5 milliards d’euros – 36 milliards de francs – (cf. ci-dessus propos du président de la Cour des comptes).
 

Bref, avec l’Etat et l’OSSO actuels pris séparément, l’erreur ne fait plus voir 36 chandelles, mais 36 milliards de francs …! 

Et à eux deux, ils font voir 72 milliards de francs d’erreurs. 

Seul bienfait que je vois à ce montant colossal d’erreurs, il m’a remémoré une vieille blague « suisse », certes bien éculée, bien antérieure au gain par un équipage Suisse de la coupe de l’América, mais dont la vérité n’est pas écornée « d’un poil ».  A un haut fonctionnaire français qui s’étonnait devant un homologue suisse que la Suisse eût un ministre de la Marine, l’homologue lui répliqua qu’en France, on avait bien un ministre des Finances !
Ah, si on en n’avait eu qu’un pour en arriver là !