Atomisation sociale

LÂ’’éditorial du Figaro du 25 août (« La barbarie française » par Renaud Girard) pose parfaitement le problème de société qui a engendré non seulement une surmortalité des personnes âgées lors de la canicule de cet été mais aussi lÂ’abandon de ces vieux, apparemment sans famille et sans amis, morts dÂ’un manque dÂ’’affection et dÂ’’amour. Mais pourquoi les Français sont-ils « devenus des barbares » ? L’’éditorialiste reste à la surface des choses.

Nous mesurons petit à petit lÂ’’effet d’Â’atomisation de la société due à la dichotomie individu/Etat propre à notre structure politique jacobine, hyper-centralisée, qui défausse les individus de leur responsabilité au profit dÂ’une solidarité obligatoire, financée par un Etat essoufflé et endetté, qui donne une bonne conscience hypocrite aux citoyens payeurs dÂ’impôts tout en leur permettant de vaquer à leurs loisirs, eux aussi largement pris en charge par « un Etat culturel » qui se prend pour un tour-opérateur.

« LÂ’’Etat-papa » (le Figaro) ne change pas la nature humaine, il met simplement en sommeil les dispositions de chaque individu à avoir besoin les uns des autres, en les cantonnant dans des rapports impersonnels, strictement économiques et politiques. LÂ’Etat « solidaire » est donc censé rendre tous les services qui peuvent alléger le fardeau de la vie et des circonstances liées au risque (les intempéries, la maladie, les accidents de toutes sortes).

Mais que reste-t-il alors entre l’Etat et l’individu ? Un désert. Et c’est ce désert plutôt que la canicule qui a tué les personnes seules et désarmées. Car mourir à 90 ans n’est pas un scandale en soi mais mourir délaissé par les hommes et par ce monstre froid qu’est l’Etat, devenu gestionnaire de la pénurie de moyens et de services à force de tout engloutir, à force de se vouloir omnipotent, là est le scandale moral.

Rétrécissons l’Etat et nous verrons apparaître une solidarité naturelle car nécessaire, des services de soin plus performants parce que plus nombreux et de meilleure qualité dans une société de marché où l’offre et la demande finissent toujours par se rencontrer de manière optimale.

Supprimons l’Etat-papa et les vertus de responsabilité, de charité et de souci de l’autre renaîtront.

Le problème existentiel de l’individu vieillissant, enfermé dans une solitude sans amour a été admirablement décrit par Romain Gary dans La vie devant soi. Monsieur Hamil a 85 ans et Momo en a 6.

– Monsieur Hamil, est-ce quÂ’on peut vivre sans amour ?
– Oui, dit-il, et il baissa la tête comme sÂ’il avait honte

LÂ’Etat ne pourra jamais vendre de lÂ’amour, de la vraie solidarité, de lÂ’amitié, de vrais liens sociaux. Tout ce discours sur la citoyenneté/solidarité, le lien social, cÂ’est de la blague électoraliste. Si la société pouvait respirer chacun trouverait sans doute, dans sa liberté retrouvée, le besoin, lÂ’envie de connaître son voisin, de sÂ’occuper de ses vieux et lÂ’individu ne se laisserait pas vieillir sans avoir tissé autour de lui un grand réseau de liens affectifs. Car ne lÂ’oublions pas, les vieux dÂ’aujourdÂ’hui sont les jeunes dÂ’hier, qui, comme ceux dÂ’aujourdÂ’hui, ont creusé, avec l’aide bienveillante de l’Etat solidaire, leur propre tombe de misère affective et de solitude.