L’âge de pierre

Il y a quelques semaines j’écrivais « De la dépression au suicide« . Le titre a été mal interprété: je ne déprime pas, il s’agit de la dépression et du suicide des peuples d’Europe. En voici une nouvelle illustration de ce mouvement, avec les hurluberlus de la « décroissance » et leurs amis Hulot et Bové, qui ont tous eu droit à des articles dans Le Monde ces derniers jours.

Des militants organisent une marche pour combattre l’idéologie de la croissance
LE MONDE | 07.06.05

L’idéologie de la croissance… mais qu’est-ce donc ? Vous voulez parler de l’aspiration universelle au progrès ? Celle de chaque être humain (enfin, presque) de désirer un monde meilleur, où l’on peut vivre plus vieux, dans des maisons plus grandes, avec des loisirs plus longs, un temps de travail réduit, dans de meilleures conditions de santé, de sécurité… quel enfer que celui de la croissance!

Peut-on changer le monde en marchant avec des ânes ? Partis de Lyon, mardi 7 juin, pour cheminer vers la Nièvre, où ils atteindront, le 3 juillet, le circuit automobile de Magny-Cours, une cinquantaine de militants de la décroissance le pensent fermement.

Difficile de distinguer les ânes au milieu des militants de la décroissance! (je sais, c’était facile…) Au moins, pour une fois, ceux-là semblent à peu près cohérents: pas de déplacements en train, en avion, ou en voiture: ils manifestent en marchant, et pour se mobiliser dans toute la France ils n’empruntent pas un train gratuit de la SNCF à nos frais! Si les écolos pouvaient en prendre de la graine…

L’objet de cette Marche pour la décroissance ? « Demander la suppression immédiate du Grand Prix de France automobile de formule 1, paroxysme de la pollution et du gaspillage des ressources naturelles » , écrit le journal La Décroissance, organisateur de cette action soutenue par José Bové et Albert Jacquard. « Nous voulons la fin de ce loisir anachronique réservé à une vingtaine de gosses de riches, alors que le déclin de l’extraction du pétrole est pour aujourd’hui et que le climat se dérègle dangereusement. »

Et voilà! Ils demandent l’interdiction du Grand Prix de France, gaspillage de riches, donc doublement haïssable! En plus il s’agit de voitures! Vous savez ce qu’est qu’une voiture ? Un instrument de liberté et d’oppression de classe. Qui plus est, ça pollue. Interdisons les voitures! A Paris cela se fait tout doucement: il est interdit depuis 1 ou 2 ans de construire une place de parking par appartement neuf, comme cela se pratiquait auparavant. Le prix des places de parking va donc augmenter! Mais tant mieux, car la voiture doit être un privilège réservé aux ministres et aux riches, ce qu’il faudra ensuite dénoncer violemment au nom de l’égalité dans la chaleur moite du métro, et ouvrira la voie à de nouvelles taxes (par exemple péages aux portes de certains arrondissements centraux), donc excluera encore plus les « moins riches »… jusqu’au jour où seuls les ministres circuleront en voiture privée, individuelle, climatisée, pendant que le reste des Parisiens se serreront les uns contre les autres, sauf les jours de grève où ils iront vaillamment à pied!
Bien sûr le réchauffement est avéré et d’origine humaine d’après ces écolos là. Peu importe que les périodes glaciaires et chaudes se succèdent depuis des millénaires sur notre planète sans que l’homme y soit pour quoi que ce soit…

Le Grand Prix n’est que la pointe d’une critique plus large. « Il n’est pas normal qu’il n’y ait pas de débat sur quelque chose d’aussi important que la croissance » , dit François Schneider, ingénieur écologue de 38 ans qui a déjà parcouru plus de 1 500 km à pied, depuis juillet 2004, pour « colporter » l’idée de la décroissance. Son périple a donné l’impulsion à la marche collective.

C’est vrai, c’est quand même dingue que personne ne débatte de la croissance! On parle sans cesse d’emploi, de logement, de santé, de culture, et personne ne s’occupe de croissance! Ou peut-être qu’on en parle tout le temps: la « croissance » c’est la production de nouvelles richesses. C’est ce qui rend possible ce dont tout le monde parle: l’emploi, le pouvoir d’achat, les vacances au soleil, etc… mais évidemment un ingénieur écologue n’arrive pas à faire le lien croissance/chômage/pouvoir d’achat/santé/logement… Espérons qu’il soit plus compétent en écologie qu’en économie… (malheureusement je ne parierais pas là-dessus, si ses capacités d’abstractions sont si faibles!).

Lundi 6, veille de la marche, les animateurs du mouvement ont réuni plus de 300 personnes, surtout des jeunes. « L’idée de décroissance passe bien auprès des jeunes, a observé le sociologue Paul Ariès, parce qu’elle correspond à un changement de l’imaginaire. » Car, pour ses partisans, elle implique un changement radical de société, dans laquelle il y aurait « moins de biens et plus de liens » .

Surtout des jeunes… dommage que l’on ait pas de profil type… chômeurs ? Membres d’associations diverses et variées, mais toutes subventionnées et d’extrême gauche, bien à l’abri du besoin mais suffisamment « précaires » pour se présenter comme « victimes de la société » quand ils sont les principaux parasites de celle-ci ? Hmm, mais passons ce sont peut-être de vrais passionnés de Gaïa, la Mère Nature!
Parlons du « changement d’imaginaire »: a-t-on expliqué à ces jeunes qu’ils devraient renoncer à leurs précieux jeans, Nike, aux lunettes, aux médicaments (mais pas à la Sécurité Sociale tout de même ????), aux glaces, aux téléphones mobiles, à l’Internet, aux 35h, aux congés payés… tout cela basé sur le mythe du bon sauvage: une fois débarassés de nos biens nous redeviendrons de gentils humains, proches les uns des autres, réunis dans notre amour commun de la Terre! Autour d’un grand feu parfois nous sacrifierons un bourgeois pour provoquer les pluies, et de temps à autre dans les villages composés de hutte de boue, tous rassemblés autour d’alcool artisanal (donc authentique, pur, bio!) nous mettrons à mort une vache lors du Grand Festin de l’Equinoxe!

Selon eux, la fin prochaine de l’abondance pétrolière rend incontournable la décroissance. « La production de pétrole va prochainement atteindre un pic, après lequel elle décroîtra inexorablement, a expliqué Jean-Luc Wingert, auteur de La Vie après le pétrole (éditions Autrement). Ce pic a déjà été atteint par la Grande-Bretagne et par la Norvège, et devrait l’être au niveau mondial entre 2010 et 2020. Or, si la production décline, la consommation devra aussi décroître. »

Bien sûr l’homme n’a pas la créativité nécessaire pour faire face. Un jour la dernière goutte de pétrole sera extraite, et le lendemain la civilisation prendra fin! C’est inéluctable! Personne n’est assez avisé, sauf les écolos de la décroissance, pour l’entrevoir et prendre les mesures nécessaires, comme par exemple investir massivement dans les sources d’énergie alternative, dans l’économie d’énergie etc…

Cette prévision, et la crise écologique liée au changement climatique et à l’érosion de la biodiversité, conduit ces alternatifs d’un genre nouveau, à affirmer, suivant Paul Ariès, « qu’il n’y a pas le choix entre la croissance et la décroissance, mais entre la récession et la décroissance » . Autrement dit, entre une crise économique incontrôlable et une adaptation maîtrisée.

Décroissance et récession étant synonymes, je ne vois pas pourquoi il faudrait suivre les préceptes de ce prophète de l’Apocalypse. L’économie libre permet de répondre à ces crises: au fur et à mesure que le pétrole deviendra rare, son prix augmentera. Et tout le monde se tournera vers d’autres sources, et vers l’économie d’énergie. Le mouvement est déjà en cours! Et contrairement à ce que les gouvernements voudraient nous faire croire, leur intervention est inutile: les compagnies pétrolières réinvestissent déjà dans les énergies renouvelables…

Les participants avaient, pour cela, les idées les plus diverses : vivre sans médicaments, éteindre une partie des soixante ampoules qui éclairaient la salle, réduire les déchets, ne plus privilégier la vitesse. Et surtout, des interrogations : comment résoudre la question du chômage ? Comment changer les mentalités pour sortir du culte de l’objet ? Comment articuler actions personnelles et changement global ?

Qu’ils sont drôles avec leurs propositions! Sans médicaments! La bonne blague! Réduire les déchets, oh oui quelle bonne idée! Mais c’est déjà sur les tablettes des entreprises: réduire les déchets c’est améliorer l’efficacité des processus de production! Ne leur dites surtout pas, ils en deviendraient malades et sans médicaments qui sait ce qui leur arriverait!
Par contre en abandonnant les techniques actuelles de production, il n’y aurait plus de chômage: tout le monde gratterait la terre pour trouver à manger (hmm un lombric, plein de protéines!), et les rendements s’effondrant les forêts seraient déboisées à grande vitesse, puis face à l’inévitable manque de nourriture la famine emporterait les plus vieux ayant résisté au manque de soin, et les plus jeunes…

Les orateurs ont reconnu qu’ils n’avaient pas réponse à tout ­ tout en soulignant que le système productiviste actuel ne l’avait pas davantage. « La décroissance n’est pas l’idéalisation du passé, dit Paul Ariès. Elle n’est pas non plus la décroissance de tout pour tous : elle concerne d’abord les sociétés opulentes et les gens opulents. Ainsi, elle pose la question du partage, donc de la démocratie. »

Le système productiviste actuel ? Lequel ? Le socialisme français ? Le communisme nord-coréen ? L’économie primitive d’Amazonie ? Si c’est du capitalisme libéral dont il parle, il permet d’économiser les ressources, puisque c’est le système le plus efficace économiquement. Si tout le monde vivait comme en Corée du Nord… aheum justement parlons de cet exemple de pays en décroissance! Combien de morts de famine dans les 20 dernières années ? Où sont les forêts en Corée du Nord ? Ah, mais c’est vrai dans ce paradis de la décroissance ils mangent les écorces pour survivre, et coupent les arbres pour se chauffer…
Ou parlons des merveilleux pays qui n’ont pas connu la croissance: l’Afrique, par exemple. Les taux de mortalité infantile à deux chiffres, l’espérance de vie en dessous de 50 ans (voire même 40 pour certains pays), la déforestation (là encore!)… des modèles pour l’Europe!
Ah mais il n’est pas question de revenir à une situation africaine, il s’agit de mieux répartir entre les « sociétés opulentes et les gens opulents » avec les autres ? Il faudrait « décroître » ici pour que les autres puissent croître ? Il faudrait sacrifier le niveau de vie des Européens pour que celui des Africains augmente ? Et pourquoi les Africains accepteraient de stagner à partir d’un certain niveau ? Et pourquoi les Européens ne pourraient pas aller au-delà d’un certain niveau ? Il faudra des armées de policiers pour contrôler le progrès, interdire le gain de productivité, le marketing, et bien sûr, les médicaments.

Aujourd’hui leurs idées me font sourire, mais elles portent en elles un totalitarisme polpotiste, génocidaire. Et si Le Monde leur consacre un article c’est bien qu’ils sont proches des milieux agréés, politiquement correct… comme par exemple de Bové et Hulot dont une interview croisée était en lien direct dans le carré « Ã  lire aussi » juste à côté de cet article. Ils tiennent eux aussi un discours anti-libéral, appelant à des « réformes radicales »:

Vous êtes engagé dans les débats environnementaux. La situation écologique de la planète appelle-t-elle un changement de système économique ?
José Bové : Il n’y a pas d’autre choix, parce que la planète et l’espèce humaine sont menacées dans leur survie. Le système économique dans lequel nous vivons nécessiterait trois ou quatre planètes si tous les humains adoptaient le mode de vie européen, sept planètes si c’était le modèle des Etats-Unis. De plus, 80 % des ressources de la planète sont utilisées par moins de 20 % des habitants. Donc, le système ne peut pas être étendu à toute la planète. Il ne permettra pas aux générations futures de vivre sur Terre.
Nicolas Hulot : La situation appelle un changement radical, pour une raison simple, dont on continue à faire totalement abstraction, c’est qu’on vit dans un monde clos et que, depuis le début des années 1980, on demande plus à la planète qu’elle ne peut nous donner. Ce constat impose que nous changions radicalement de logique, sans quoi nous irons dans une impasse. De surcroît, si les pays qui sortent la tête de l’eau adoptent le même mode de consommation que le nôtre, le phénomène va s’amplifier et s’accélérer. C’est à nous de montrer l’exemple.

Bové commence par répéter les idioties de « l’empreinte écologique », concept discrédité et absurde qui prétend calculer ce que coûte « Ã©cologiquement » un mode de vie, et emboîte sur une autre absurdité: « 80% des ressources sont consommées par 20% des habitants« . Bien sûr ce qu’il faut lire c’est que 80% des ressources produites le sont par 20% des habitants. C’est exactement le même mensonge sur la répartition inégale des richesses!
Hulot est à peu près dans la même ligne, à cette différence près qu’il voudrait montrer l’exemple pour ensuite dire aux autres pays qu’il ne leur faut pas commettre les excès que nous nous serions permis: on lui souhaite bonne chance!

Ce changement est-il possible tout en réduisant le chômage ?

J. B. : Dans le système actuel, le progrès technologique se traduit par des pertes d’emplois. La solution trouvée pour compenser cette perte est d’élargir sans cesse la sphère des activités « marchandisées » . En réalité, il faut passer par un partage du travail et par une réduction importante du temps de travail, jusqu’à 32 heures par semaine.

N. H. : On est dans une société où la quasi-totalité des biens de consommation sont éphémères. Si demain on utilise au maximum ce que l’on produit, on va créer des sociétés de retraitement et surtout de maintenance qui créeront beaucoup d’emplois. De plus, il y a besoin de beaucoup de travail pour adapter nos économies : par exemple, si on veut exploiter le gisement d’économies d’énergie dans le bâtiment. Il y a plein d’autres domaines où l’environnement va créer des emplois.

La réponse de Bové est extrêmement intéressante: le progrès technique (les gains de productivité) permettent effectivement de libérer des ressources, notamment humaines, pour les réaffecter à de nouveaux secteurs. C’est ainsi qu’entre le début du siècle et aujourd’hui tout un tas de nouvelles activités ont vu le jour, de nouveaux produits, toutes choses que déplorent Nicolas Hulot pour leur caractère éphémère. Bien évidemment la solution au chômage n’est pas l’interdiction de créer de nouvelles activités ou d’empêcher des activités étatisées et inefficaces (la santé, l’éducation, la police) d’être privatisées, mais tout simplement de laisser se développer librement les nouveaux secteurs… Mettre des bâtons dans les roues des créatifs et des entrepreneurs c’est le meilleur moyen de courir à la catastrophe!
Les propositions de Hulot sont plus cohérentes: il existe tout un tas de gens pour regretter la faible qualité de beaucoup de produits actuellement, moi le premier. Mais il passe à côté de l’essentiel à savoir que les emplois dont il parle existent déjà pour la plupart!

Le développement durable est-il la solution ou faut-il chercher la décroissance ?

J. B. : Le terme de développement durable est un terme piégé, parce qu’il sert à perpétuer le modèle productiviste. On doit mener une remise en cause du modèle économique et technique, et réfléchir sur ce qu’implique la décroissance, sur ce qu’implique le partage des richesses, et sur la relocalisation de l’économie. Aujourd’hui, on ne peut pas parler de développement sur l’ensemble de la planète si on ne relocalise pas l’économie et si on n’arrête pas la croissance des transferts économiques d’une région du monde à l’autre.

N. H. : Si le développement durable signifie une croissance quantitative des flux énergétiques et des flux de matière, ce n’est pas la solution. Mais je ne crois pas que la décroissance économique puisse se faire sans un chaos social. Par contre, je crois qu’il faut aller vers la décroissance des flux énergétiques et des flux de matières, parce que si la croissance économique signifie une augmentation parallèle des flux de matières ou énergétiques, on va dans le mur. Mais on peut opérer un découplage, entre croissance économique et croissance des flux matériels. En recourant à plusieurs outils, dont le premier est la fiscalité écologique et énergétique, taxant les biens et services selon leur impact écologique et énergétique. Quand on aura une telle fiscalité harmonisée à l’échelle européenne, la croissance économique s’accompagnera d’une décroissance matérielle ou, en tout cas, aura moins d’impact sur les ressources. L’idée n’est pas d’aller vers une société de privation, mais vers une société de modération.

Tiens donc, Bové fait partie de la secte de la décroissance! Quelle surprise! Et pourquoi lier tout cela au « partage des richesses » ? Parce que le capitalisme libéral c’est mal, la technologie, c’est mal! Tous égaux dans la pauvreté! Et que dire de la « relocalisation de l’économie » ? Il faut arrêter les flux entre régions du monde, et même mieux que ça: il faut que chaque pays fonctionne en autarcie, Enver Hoxha, Kim Il Sung nous voilà! Contrôles à la frontière, interdiction de commercer avec les étrangers! Et pourquoi s’arrêter là ? Pourquoi ne pas limiter les déplacements et les échanges à l’intérieur des départements, ou des régions ?
La réponse de Hulot est pleine de naïveté: il ne comprend pas que la croissance ne se fait pas au détriment de l’environnement mais que justement la croissance signifie la recherche d’efficacité et donc d’économies. Et ce ne sont pas des taxes qui permettront d’aller plus vite en ce sens: les taxes appauvriront les Européens, enrichiront les politiciens et les gestionnaires, et ralentiront la croissance…

Décidément, on a du souci à se faire avec les écolos: entre le partage des richesses, les lubies du commerce équitable, la décroissance, les taxes écologiques, la relocalisation… toutes leurs idées font appel à l’Etat d’une manière ou d’une autre: il faudra toujours une autorité supérieure pour se mettre en travers des gens, leur interdire de créer, d’échanger, d’innover, de se déplacer… ils nous préparent un beau paradis écologique qui sera aussi un paradis totalitaire. Attention aux rêves qui terminent en cauchemar…