Propagande à moitié prix

Via Merde In France, je viens de découvrir que la Commission de Bruxelles demande aux télévisions européennes de présenter l’Union Europénne sous un meilleur jour. Toute production approuvée UE recevra 300.000 euros au plus. Rien que le titre de l’article mérite de grandes claques à la fois au journaliste qui ose l’écrire sans s’indigner, et au fonctionnaire qui a eu l’idée:

Les télévisions sont appelées à favoriser « une meilleure perception » de l’Union

Un fonctionnaire de l’UE doit penser qu’il ne reçoit pas assez d’éloges dans son village natal, où il vient parfois en vacances parce qu’avec ses multiples RTT et ses primes d’éloignement il ne sait plus très bien quel pays visiter. Là les bouseux lui signifient que ses lois les empêchent de faire pousser du blé dans tel champ, qu’ils ne peuvent plus boire de bière à la fête du village, qu’il est devenu impossible de vendre les produits de la ferme etc…
Evidemment tout ça c’est un problème de perception: avec un peu de lubrifiant communication ils comprendront ce qui est bon pour eux.

Il y a moins d’un an, en avril 2003, la Commission européenne lançait un « appel à propositions » à l’attention des responsables des radios et télévisions des quinze Etats de l’Union. But de l’appel : inviter ces responsables à programmer des émissions qui pourraient « contribuer à une meilleure perception de l’Union » par « une audience toujours grandissante ».

Un appel à la propagande lancé aux médias, et ceux-ci n’ont même pas dénoncé une tentative de manipulation ? Noooonnnn ça les gêne pas du tout! Ils sont habitués à travailler pour l’Etat, et d’ailleurs en général ils sont même pas payés pour ça. Esprit critique ? Stats gênantes ? Non, jamais les sujets embêtants sont abordés. Alors écrire des scénarios faisant l’éloge de l’UE ? Pff ils sont plus à ça près.

La Commission s’engageait à financer jusqu’à la moitié des coûts de ces programmes (sans aller au-delà de 75 000 euros pour les radios et de 300 000 euros pour les télévisions), sélectionnés selon plusieurs critères dont les principaux étaient l’originalité, la créativité et la diffusion dans un créneau horaire grand public.

Comme d’habitude un peu de votre argent saupoudré dans un projet narcissique des hommes de l’Etat. 300.000 euros. De quoi m’acheter 75m² dans ma bonne ville de ——–!
Mais c’est pas grave, hein ? Qu’est ce que c’est 300k€ dans le budget de l’UE ? Qui verra la différence ? Et puis c’est pour renforcer la culture européenne, la cohésion entre les peuples, l’amitié autour de la Commission!

Trois thèmes étaient proposés (pour un budget global de 16,5 millions d’euros) : élargissement de l’Union européenne, avenir de l’Europe, information générale sur l’Union européenne. Sur chacun de ces thèmes, quelques orientations étaient suggérées.

Holy Crap! 16,5 millions d’euros ? P***n de B***l de m***e! Vous vous demandiez pourquoi vos impôts augmentent ? Eh bien c’est simple: multiplier le chiffre annoncé par 2 pour tenir compte des frais de recouvrement des sommes, des frais de gestion, des petits fours et des voyages, du Viagra, etc.

Par exemple, sur l’élargissement, la Commission demandait aux auteurs et producteurs de « sensibiliser les citoyens de l’Union européenne aux liens historiques, culturels et humains existant entre les pays adhérents et les Etats membres ». En matière d’information générale sur l’Union, elle souhaitait que les émissions illustrent « le lien entre les politiques européennes et la vie concrète des citoyens », renforcent « la dimension humaine » de l’Union et expliquent que certaines questions, comme la lutte contre le terrorisme, la défense de la qualité de l’air ou la sécurité alimentaire, « ne peuvent plus être traitées par les Etats membres seuls ». Au total, soixante-quatre dossiers ont été retenus, dont une série de brèves émissions hebdomadaires de France 3, « Champions d’Europe », et une chronique quotidienne de Radio France, « Tous Européens ».

J’ose à peine imaginer la production mièvre… alors sur une plage des Baléares un Belge rencontre une Grecque et là coup de foudre après avoir pris un ou deux extas qu’un Hollandais de passage a gentiment fourni ? Ou alors l’histoire d’un producteur laitier français râlant contre la baisse du prix du lait qui rencontre l’ouvrier allemand mis au chômage par les impôts nécessaires aux subventions de l’agriculteur ? Ou encore… un Anglais visite la Corse et compte les chêvres, séduit par le pays il s’installe, s’affilie à la Sécurité Sociale française, fait faillite le premier mois grâce à l’URSSAF pendant que sa maison est plastiquée ? Un Italien part en Angleterre à la recherche de l’exploitation d’où est originaire la vache folle pour exorciser la mort de sa femme dûe à la forme humaine de l’ESB ?
64 dossiers retenus ? 64 collabos ? 64 médias couchés pour un peu de fric ? 64 oublieux de leur conscience professionnelle pour lécher les euros de Bruxelles ? Evidemment des français font partie du lot! France 3 et Radio France ? Quelle surprise!

« La communication audiovisuelle et multimédia est devenue le principal vecteur d’information dans le cadre de la stratégie d’information et de communication de l’Union européenne », expliquait la Commission. Les médias, les Etats, les institutions européennes, tel serait les trois côtés d’un triangle qu’il s’agirait de rendre enfin vertueux pour favoriser la création d’un espace public européen.

Les médias, les Etats, les institutions européennes ? Bah, les médias font partie de l’Etat en somme. Les médias aux ordres. Les médias à la botte. La Pravda. Les Komsomolets. Les Isvetzia. COLLABOS!

Du côté des institutions européennes – Commission, Conseil, Parlement -, on reconnaît que les efforts de communication engagés ne donnent pas encore les résultats souhaités. Un fonctionnaire de la Commission ne craint pas de se livrer à une autocritique en notant une « absence de réflexion » sur la télévision. Du côté des médias, et en particulier des télévisions, beaucoup reste à faire. Près de mille journalistes sont accrédités auprès des institutions européennes, dont un tiers représentent la presse audiovisuelle. Pour la télévision, la France est particulièrement sous-représentée. Des grandes chaînes généralistes, seules France 2 et France 3 ont un correspondant à Bruxelles. TF1 n’en a pas.

Pas les résultats souhaités malgré 16 millions d’euros ? Putain qu’ils me les filent, moi je suis sûr que pour 16,5 millions d’euros j’obtiens des résultats (pas forcément ceux qu’ils attendent non plus)! Il leur faudra combien pour obtenir des résultats ? L’accréditation va-t-elle être subventionnée ?
Comment ils mesurent les résultats ? Ils mesurent leur quote de popularité et ensuite se demandent non pas si leurs politiques sont bonnes mais si ils ont bien communiqué ?

Reste le troisième côté du triangle : les autorités nationales. « Les hommes politiques français doivent assumer plus clairement leurs choix européens », déclarait récemment au Figaro le commissaire européen Michel Barnier

Ils devront être subventionnés eux-aussi pour faire l’éloge d’un Etat concurrent au leur, sauf si tu leur fais une place au soleil de Bruxelles, Michel!

———————–
Au final je termine cet article et j’ai vraiment un arrière-goût pestilentiel dans la bouche. La propagandastaeffel ne prend même plus le contrôle direct des médias. Elle « incite », elle « subventionne », elle donne juste des « pistes », des « thèmes ». Ca ne choque personne. Le Monde ne hurle pas. Les médias produisent des séries élogieuses pour Bruxelles. Tout va bien dans le meilleur des mondes avec votre argent, nous sommes dans le grand Etat Providence Policier Européen.