Un portrait de la SNCF

Quand un journaliste à la Vie du Rail, une à Marianne, et un troisième du Canard Enchaîné écrivent un livre sur la SNCF, ça donne quoi d’après vous ? Surprise… A en croire les politiciens, la SNCF est l’un des fleurons nationaux, une énième réalisation que-le-monde-entier-nous-envie, ou plutôt nous envierait si le monde atteignait le degré de civilisation française… Sauf que c’est pas exactement ça!

Dans une interview donnée à 20 Minutes sur leur livre SNCF, la machine infernale, Marc Fressoz dresse un portrait loin des discours dithyrambiques habituels: il y dénonce la bureaucratie, les syndicats, les sureffectifs, les investissements ruineux dans le TGV, l’intrusion des politiciens dans la gestion de l’entreprise (« les élus jouent au petit train« , et une culture de très court-terme (« Paie l’addition, on s’arrangera plus tard« ).

Contrairement aux croyances populaires, le TGV, et peut-être même sur le tronçon Paris-Lyon, n’est pas rentable. Un « grand projet », pour être considéré comme tel doit générer au moins 8% de ROI (pour faire court: le taux de rentabilité), et le TGV serait en-dessous des 6% (ce sont des chiffres que j’avais lu dans la Vie du Rail, qui aime le train et donc n’aime pas que la SNCF soit ainsi malmenée). Evidemment en investissant massivement toutes les ressources indisponibles, donc en s’endettant, cela a créé un effet d’éviction pour les autres branches de la SNCF: train Corail, trains régionaux, trains de banlieue en Ile de France.

Marc Fressoz souligne d’ailleurs que si le TGV est soumis à la pression concurrentielle vis-à-vis de l’avion notamment, pour les trains de banlieue « le voyageur est toujours un usager« . Cela implique aucun effort en matière commerciale, une évolution très lente, pour l’instant quasi-uniquement marketing (le « Transilien »…). Et il dénonce aussi les « interconnexions » débiles entre la SNCF et la RATP, régie autonome des transports parisiens: la RATP ne sort pas de Paris et donc à partir de certaines gares il y a changement de conducteur! En cas de grève les trains roulent sur la moitié parisienne de la ligne, en général sur la moitié RATP…

Au final le livre « révèle » que malgré 10 milliards d’euros par an de subventions la SNCF est endettée de 36 milliards d’euros, que la Cour des Comptes ne peut pas déterminer au vu des chiffres si le TGV est rentable ou non etc… 10 milliards d’euros par an, c’est 1/4 du déficit actuel, c’est 3% du budget de l’Etat, sans compter le régime de retraites hyper avantageux financé aussi par les impôts (2,5 milliards d’euros/an) ! Evidemment tous ces chiffres et ces faits on les connait depuis longtemps, mais les voilà exposés par des gens que l’on ne pourra pas repousser sous le prétexte qu’ils seraient « libéraux »! Pour avoir lu la Vie du Rail pendant des années, je sais que ce journal est vraiment très critique à l’égard de la SNCF, et que l’horizon porte plus loin que le rail en France, mais couvre tous les modes de transport dans le monde entier. C’est une publication de grande qualité que je recommande sans hésiter pour connaître/comprendre le monde des transports fret et voyageur, les contraintes techniques, les problèmes de budget, de sécurité… par exemple lors du déchaînement médiatique contre les compagnies privées anglaises de chemin de fer la Vie du Rail analysait rigoureusement les faits sans tomber dans la caricature « privée=horreur »!

voir aussi: SNCF : Le Rapport interdit et Le rail et la route pour une nouvelle économie des transports, tous deux de Christian Julienne.