Pauvre continent

L’Afrique n’en finit pas de sombrer, et les causes sont connues: tribalisme + étatisme = appauvrissement général consécutif aux luttes de pouvoir incessantes pour prendre le contrôle de l’appareil de prédation, l’Etat. En Afrique celui qui tient le fusil mange. Les autres creusent. Et ça ne semble pas près de changer, à la lecture d’une interview donnée au Monde par le président du Mozambique.

LM:que pensez-vous de la crise persistante au zimbabwe, pays voisin du mozambique ?

Les Blancs se voyaient accorder des privilèges tels que, pendant une décennie, ils ont continué à se voir comme des Rhodésiens -l’ancien nom des Zimbabwéens-. Ils ne se sont pas intégrés dans la société nouvelle. Si l’on y ajoute le problème de la terre qui n’avait pas été réglé de manière satisfaisante, on en vient aux antagonismes actuels.

La crise au Zimbabwe, rappelons-le, est dûe au fait que Robert Mugabe, pote à Chirac, a jeté à la rue les Blancs, 5% de la population qui faisait rentrer 90% des devises, fournissait outre le travail à des centaines de milliers de compatriotes l’école à 250.000 enfants de façon gratuite, et nourrissait le pays par leur production agricole. A part ça, la crise au Zimbabwe c’est leur faute.

Règle n°1: si on identifie pas le problème, on risque pas de trouver la solution, mais il faut quand même un problème sinon la solution attendue (voir les règles suivantes) n’arrivera pas.
Le problème c’est Mugabe qui s’est emparé de l’Etat zimbabwéen, a décimé la tribu rivale avec son parti-armée le ZANUPF, a donné les possessions des Blancs comme trophée à ses amis qui ne savent pas quoi en faire et croient que les Blancs ont volé la richesse aux Noirs. Maintenant les terres ne sont plus cultivées, les Zimbabwéens crèvent de faim et Mugabe tout content de lui refuse l’aide internationale sous forme de céréales, dans un pays qui était le « grenier à blé » de l’Afrique australe. Au passage Mugabe fait plaisir aux Européens en refusant du blé au prétexte qu’il contient des OGM mais en réalité affame ses opposants qui eux n’ont pas à manger.

Notez au passage que le président d’un Etat voisin pourrait au moins avoir l’honnêteté intellectuelle de reconnaître que Mugabe est une crapule de premier ordre, dont les décisions ont déjà coûté la vie à plusieurs dizaines de milliers de personnes (famine), et met tout sur le dos des Blancs.
Les journalistes du Monde ont alors un éclair de lucidité en osant cette question:

La question de la terre est instrumentalisée par le régime de Robert Mugabe, depuis que celui-ci est à bout de popularité. Pourquoi les chefs d’Etat africains ont-ils tant de mal à le dire ?

Réponse sans appel:

Le problème foncier était à l’origine de la guerre de libération au Zimbabwe. Vous aviez les Blancs, les privilégiés, qui possédaient les terres, et les autres, les Noirs, qui n’en avaient pas

C’est la faute aux BLANCS! Ah mais faut vous le dire comment ? Mais Le Monde ne se démonte pas, ce n’est pas Chirac dont il est question:

LM: Une question simple : le régime de Robert Mugabe est-il, ou non, une dictature ?

Chacun lutte avec les armes à sa disposition. Mugabe répond à sa façon à une situation qui lui a été imposée par des forces qu’il ne contrôle pas. Je crois vraiment qu’il n’y a pas d’autre solution pour les deux parties que celle consistant à s’asseoir et à discuter pour surmonter le blocage actuel. Croyez-moi, les Occidentaux ont pris trop de décisions dans la précipitation, unilatéralement, sans suffisamment consulter les autres pays africains.

Typique. Mugabe est le jeu des évènements, il doit faire avec une situation dont il hérite, c’est la faute aux Blancs, c’est la faute aux Blancs.
Règle n°2: jamais les Blancs n’ont eu autant d’influence en Afrique que depuis la fin des colonies.

LM:En attendant, la population zimbabwéenne subit la faim, des pénuries diverses, une situation économique catastrophique…

Mais, s’il y a de la famine au Zimbabwe, c’est parce que les Noirs n’ont pas les outils, les semences, les engrais pour cultiver les terres dont ils viennent d’hériter. Peut-on refuser de leur fournir le nécessaire, parce qu’on veut sanctionner le président Mugabe ? Ce ne serait pas juste.

Les Noirs n’ont pas les outils qu’ils ont… volé aux Blancs expropriés ? Comment se fait-il ? Les Blancs au Zimbabwe ont été expulsés des fermes, dépouillés de leurs biens, ils n’ont pu partir qu’avec quelques affaires. Ils ont laissé l’engrais, les tracteurs et tout le reste. Ce qui manque ce ne sont pas les capitaux, ce sont les compétences. Filez un ordinateur à un analphabète, à quoi ça lui sert ? Dans un pays où justement les compétences étaient concentrées sur la population blanche (mais qui, via ses écoles gratuites, en faisait bénéficier tout le pays!), quand on les expulse il ne reste personne pour utiliser efficacement le capital abandonné. Pire: dans de nombreuses fermes les amis de Mugabe ont tout simplement laissé en jachère les terres, réduisant la valeur des terres à presque rien.
Là-dessus, oser un appel à « fournir le nécessaire » relève de l’escroquerie la plus dégueulasse qui soit. Et pourtant…
Règle n°3: si tout va mal, c’est pas faute de pillage et de compétences, c’est parce que les Africains manquent de moyens. C’est la solution aux problèmes de l’Afrique.
D’où le corollaire règle n°4: tout chef d’Etat africain est automatiquement membre d’honneur de la CGT section « manque de moyens ».

On peut tenter tout ce que l’on veut pour changer le régime politique au Zimbabwe. Mais ouvrons les portes pour que les Zimbabwéens puissent travailler ! On ne peut pas tout arrêter – les investissements, l’aide… – sous prétexte qu’il faut punir un chef de l’Etat. Mugabe a près de 81 ans ! C’est le peuple que vous punissez !

Comment fonctionne l’aide internationale ? D’abord les contribuables occidentaux sont culpabilisés par des campagnes médiatiques d’ONG « désintéressées », ensuite les gouvernements prennent leur part, envoient l’argent à l’ONU ou à toute autre organisme réputé pour son efficacité (FMI, banque Mondiale…), voire financent les ONGs soudain très intéressées. Ensuite l’aide arrive en Afrique où le gouvernement local pille le tout quand c’est en nature et détourne le reste quand c’est en dollars. Quelques miettes arrivent sur place et permettent aux bobos de se donner bonne conscience, avant leur prochain repas en ville (menu: 50 euros, bouteille à 40 euros, apéro à 7euros).
Alors évidemment, vous vous rendez compte de l’impact négatif sur la population d’arrêter l’aide! Au fait, il parle de l’aide que Mugabe a déjà refusé ?
Règle n°5: l’aide ne doit jamais s’arrêter, même si un gouvernement de pourris affame la population. Et n’envoyez que des chèques, ils veulent pas de blé, ça se stocke pas en Suisse.

en raison de la controverse autour de la présence du président Mugabe, cette conférence n’a pas lieu. Pourquoi lui interdit-on de discuter de problèmes qui le concernent ? Pourquoi lui interdire d’entendre les critiques qu’on pourrait lui faire, les conseils qu’on pourrait lui donner ? Voulez-vous attendre la fin du mandat de Mugabe ?

Mugabe est persona non grata en Europe, cela n’a pas empêché Chirac de le recevoir. S’il n’a pas osé aller ailleurs qu’en France c’est qu’il est sous le coup d’enquêtes pour crime contre l’humanité. Bien sûr ça ne gêne pas Chirac, le VRP en technologie nucléaire!
Règle n°6: il faut savoir dialoguer. L’écoute est la base de la compréhension mutuelle. Et pendant ce temps laissez nous massacrer nos opposants. Et n’oubliez pas la règle n°5. Continuez de verser du liquide.

LM: Votre pays est stable depuis une dizaine d’années. Qu’attend-il des pays pour se développer ?

Je dois à la vérité de reconnaître que le Mozambique a reçu beaucoup. Mais nous faisons aussi des efforts, ce qui nous a permis, par exemple, de réduire la part de l’aide extérieure dans notre budget de plus de 70 % à moins de 50 %.

« Je suis héroïnomane mais je prends plus que deux fixs par jour!« . Règle n°7: quand on arrête le crack on continue la coke.

Ce que nous demandons aujourd’hui aux pays riches, nous comme les autres pays en développement, c’est d’abord de respecter leurs engagements. Ils ont promis de consacrer 0,7 % de leur PIB à l’aide au développement. Qu’ils le fassent ! Qu’ils tiennent aussi leurs engagements en faveur des opérations de paix, par exemple au Burundi. Ensuite, la mondialisation ne doit pas être à sens unique. Il faut que les marchés – le coton, le sucre… – s’ouvrent aux pays pauvres.

Et voilà la vraie perle de cet article. Voilà le combat dont les libéraux doivent se faire les relais incessants. La plaie de l’Afrique c’est qu’elle ne peut pas lutter car l’Europe et les USA ne la laissent même pas entrer sur le terrain de jeu! La mondialisation n’existe pas en Afrique, ce qui rend tout développement impossible! (voir à ce sujet Pauvreté de la réflexion). D’un côté l’Europe distribue les subventions qui n’incitent pas à faire d’efforts, de l’autre elle ferme les marchés. Combinez cela avec un état d’esprit peu constructif (c’est le moins que l’on puisse dire…) des chefs d’Etat africains, et vous avez la recette pour 20 ans de plus de non développement africain.