Je propose ici un article très incisif et pertinent de Jean-Louis Caccomo, un ami de la PL. Il fait le lien entre l’action de Reagan et les résultats des élections européennes.
————
M. Franz-Olivier Giesbert a écrit un texte qui se veut être un « hommage » à Ronald Reagan dans le dernier numéro du magazine « Le Point » consacrant un dossier au président défunt. Pourtant, il ne peut s’empêcher de colporter les poncifs qui structurent la pensée française – et qu’il dénonce par ailleurs – quand il présente Reagan comme quelqu’un qui « connaissait mal ses dossiers et ne se donnait pas la peine de les préparer ». M. Giesbert connaît sans doute lui-même très mal son dossier comme tous ceux qui se refusent à admettre que Reagan n’avait rien d’un personnage superficiel et médiatique. Il a laissé des milliers de pages qui témoignent de la profondeur et de l’acuité de son analyse dans les domaines de l’économie, de la politique intérieure et internationale, de la géopolitique.etc.
Ces analyses supportent une vision globale de l’homme et de la société qui lui a permis d’accéder au pouvoir, de mettre en pratique tout ce qu’il a écrit, et de redresser une Amérique embourbée dans la fatalité du déclin (voir à ce propos les « Ecrits Personnels » de Ronald Reagan traduit par Guy Millière aux Editions du Rocher). Ronald Reagan a ouvert le chemin de la réforme et de la renaissance, sortant l’Amérique de Carter de sa lente agonie et de son nihilisme, alors que les économistes de l’époque nous racontaient que la crise du capitalisme américain était inscrite dans ses structures profondes, comme la fatalité d’une économie de marché parvenue au stade de la maturité.
Il faudra aujourd’hui le même courage pour sortir notre pays de ce même piège qu’aucun scrutin électoral ne semble débloquer tant notre système institutionnel est verrouillé de l’intérieur. Malgré la multiplicité des listes et des candidats, ceux-ci ne se rendent même plus compte qu’ils nous racontent les mêmes mensonges. Aucun n’est porté par une vision confortée par une analyse exposée par écrit devant les Français. A défaut d’une telle vision, les principaux verrous intellectuels continueront d’anesthésier les français et ce blocage ne cessera de produire son action destructrice. Ces verrous tiennent en trois points.
Premier point : la France est le pays dont l’économie, la science et l’éducation sont les plus contrôlées par et la plus dépendante de l’Etat. Dans son entreprise régulatrice, et sous l’alibi d’un catastrophe écologique imminente, l’Etat-Providence est progressivement mis au service d’un « Etat d’urgence » dans un pays où la fabrication de la culture, de l’ « opinion » et de la pensée autorisée est le fait d’un monopole public et centralisé.
Second point : l’activité privée, légitimement basée sur la recherche du profit, est constamment suspecte et méprisée par une intelligentsia ignorante des mécanismes économiques les plus élémentaires. Ceux qui combattent le profit, et parlent de partage de revenus, ne se soucient guère de partager les risques inhérents à l’activité économique et à la création des richesses. La plupart des gens ne se demandent guère d’où vient la richesse, mais seulement comment la redistribuer, comme si celle-ci était acquise. L’entreprise commerciale est tout aussi méprisée en cas de réussite – qui rapporte un profit – qu’en cas d’échec – qui se traduit par des licenciements. En France, il n’est pas bon de réussir mais il est interdit d’échouer.
Troisième point : la glorification de l’économie solidaire, de l’économie sociale ou du secteur quaternaire associatif -sous fond de « développement durable » et de « commerce équitable »- est un processus éminemment pernicieux susceptible de porter un coup fatal à nos libertés. Le développement du secteur associatif n’est possible que parce que l’Etat permet aux associations ce qu’il refuse aux entreprises (fiscalité avantageuse, flexibilité des horaires, réglementation souple). Que l’on diminue les prélèvements et les réglementations qui pèsent sur l’activité économique et l’espace des entreprises s’en trouvera élargi, ce qui ne peut être que bénéfique pour la société. Le secteur associatif cache souvent, sous couvert de bénévolat, une exploitation intensive d’un travail gratuit. C’est en fait une véritable économie parallèle qui se substitue peu à peu à l’économie officielle.
A force de dénigrer la responsabilité individuelle et les régulations économiques spontanées, l’Etat a créé de fabuleuses espérances qu’il ne peut évidemment pas satisfaire car les différents ministères sont incapables de produire de la solidarité pas plus qu’ils ne peuvent produire de la richesse. Beaucoup de nos parlementaires ne sont pas loin de considérer le profit, la spéculation voire l’entreprise elle-même comme un vice d’où leur volonté d’enrégimenter toute l’activité économique. Ce faisant, ils mettent l’opinion dans une position d’attente et d’insatisfactions permanentes. Du même coup, la France est dans un état de perpétuelle crise sociale alors même que l’économie mondiale n’a jamais été aussi florissante. Tournant le dos aux réformes, nos gouvernants nous enferment dans l’impasse des blocages et du déclin. Quoiqu’en disent ses pourfendeurs, le regain de l’économie mondiale est l’héritage de Reagan dont l’expérience a établi que la crise économique n’est aucunement inscrite dans les structures profondes de l’économie de marché, mais qu’elle provient d’un fourvoiement des institutions et des politiques économiques.
Jean-Louis Caccomo, économiste