La Constitution européenne

Il faut éclairer l’opinion sur l’état où se trouve actuellement l’Union européenne, dont France est un des vingt-cinq pays membres, et sur la prochaine étape que certains voudraient lui voir franchir : je veux parler de la ratification de la Constitution européenne, véritable usine à gaz toxiques.

Voici quelques éléments de réflexion.

« Suivez-vous l’augmentation vertigineuse de tous les budgets européens ? » question d’actualité par excellence. Mais qui ne l’est pas tant que cela tant elle est lancinante.

Vilfredo Pareto la posait il y a un peu plus d’un siècle pour la préciser ainsi :
« Elle [l’augmentation vertigineuse] ne porte pas seulement sur les budgets des Etats, ceux des provinces, départements et communes grossissent à l’envi. En Angleterre, le budget de l’Etat grossit modérément, mais le socialisme municipal est florissant et les communes s’endettent, augmentent les impôts et détruisent la richesse en de grandes proportions. »

Actualité brûlante : que font, en particulier, les politiques socialistes en France depuis les dernières élections régionales, chaque fois qu’ils ont obtenu la majorité ?

Et Vilfredo Pareto de répondre à la question:
« Cela confirme une opinion que j’ai souvent exprimée, c’est-à-dire que le socialisme triomphera sous la forme du socialisme d’Etat.
La bourgeoisie, au lieu de s’opposer aux progrès de ce dernier, le favorise autant qu’il est en son pouvoir. Chacun tâche de happer un morceau du budget, les citoyens ne voient dans les administrations de l’Etat, des provinces et des communes que des instruments pour se dépouiller les uns les autres. Quelqu’un voudrait-il s’en abstenir qu’il ne pourrait pas. Toutes les fois que les citoyens se sont réunis dans le simple but de résister à une spoliation dont ils étaient les victimes, ils ont échoué. Quand, au contraire, ils se réunissent pour obtenir leur part du gâteau, le succès couronne assez généralement leurs efforts. C’est la fable du chien qui portait le diner de son maître.
Croire qu’on enrayera l’augmentation des dépenses en enlevant aux députés l’initiative de les proposer est une illusion. Les députés en seront quitte pour faire proposer ces dépenses par les ministres de leur choix. Tous les palliatifs semblables ne servent de rien. Tant que subsistera le sentiment qui porte les hommes à s’entre-dépouiller au moyen des administrations publiques, les budgets augmenteront, jusqu’à ce qu’enfin, ils produisent la ruine des peuples et qu’un gros dogue prenne la place de cette meute affamée. Il mangera pour quatre, mais il pourra encore y avoir économie, s’il empêche de dévorer ceux qui mangeaient pour huit.

En tout cas, étant donné l’état actuel des choses, je ne crois pas que les progrès du socialisme d’Etat puissent s’arrêter.
Si vous relisez Taine, vous serez frappé de l’analogie entre l’état d’esprit des classes dirigeantes, à la fin du XVIIIè siècle, et leur état d’esprit présent. Ces classes sont en train de se suicider maintenant comme elles se suicidèrent alors. C’est une immense veulerie de gens qui savent, à n’en point douter, qu’on veut les dépouiller et qui, au lieu de résister, chantent les louanges de la ‘solidarité’, de la ‘morale sociale’, qui est à proprement parler l’injustice et l’iniquité. Tous ces beaux discours ne les empêchent pas, d’ailleurs, de donner le mauvais exemple et de tâcher de spolier ceux qui, un jour, les spolieront à leur tour ».

C’est donc en ces termes que Vilfredo Pareto écrivait le 28 novembre 1899 au Journal des Economistes pour attirer l’attention des lecteurs sur « le danger de cette peste sociale » qu’étaient les progrès du socialisme d’Etat qu’il constatait et pour les « exciter à redoubler d’efforts pour propager nos doctrines anti-pesteuses ».

Selon moi, non seulement son propos a été prémonitoire, mais encore il n’a pas une ride en ce début de XXIè siècle.
Le socialisme d’Etat a progressé pas à pas dans le sens qu’il avait illustré (si, bien sûr, on laisse de côté les deux parenthèses terrifiantes, périodes de temps limitées pendant lesquelles il a été réalisé politiquement et a fait apparaître son fond qu’est le totalitarisme : ce furent le socialisme national en Allemagne et le socialisme soviétique dans l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques).
Désormais, il tend à revêtir les oripeaux du projet de Constitution européenne, lequel n’est pas sans faire apparaître l’acuité du propos de Pareto:
la Constitution ne serait-elle pas en effet qu’une espèce d’étape de la progression? Ne serait-elle pas simplement le socialisme d’Etat à l’échelle des vingt-cinq pays membres de l’Union européenne, avant de l’être à celle des 25+x autres qui pourraient entrer…?

Le projet de Constitution européenne est à coup sûr, après le projet sur le principe de précaution, la dernière « peste sociale » en date, en France.

P.S. Pour une mise en perspective du post, cf.
http://www.quebecoislibre.org/05/050215-17.htm

Texte tiré de :
Pareto, V. (1965), Libre-échangisme, protectionnisme et socialisme, Librairie Droz, Genève, pp.399-400.
Un livre que tout esprit libéral devrait posséder dans sa bibliothèque.