Socialistes de droite

L’axe droite/gauche est largement insuffisant pour décrire un paysage politique. En France notamment, il y a les communistes à un bout, puis les écolommunistes, les socialistes, les socialistes indécis, les socialistes conservateurs, les socialistes nationalistes… A l’occasion du pseudo-débat sur la constitution européenne, voici un texte d’un politicien français. A vous de trouver lequel…

N’abandonnons pas nos libertés

Mme Haigneré, notre ministre des Affaires européennes, manie la langue de bois européenne avec autant de brio que les danseuses espagnoles, chères au président Borrell, leurs castagnettes, d’autant mieux d’ailleurs que personne, à l’exception de quelques spécialistes, n’a lu la fameuse directive Bolkestein sur la libéralisation des services de janvier 2004.

Je n’ai pas souvenir qu’aux élections européennes de juin 2004, le gouvernement Raffarin pas plus que l’UMP, l’UDF ou le PS nous aient averti de la nocivité de ce document. Il est vrai qu’on préparait le référendum sur la Constitution européenne et que l’effet aurait été déplorable si l’on avait su (mais que font donc les représentants permanents de la France à Bruxelles ?) que sous prétexte de supprimer les obstacles aux échanges dans le cadre du marché unique, on allait favoriser la concurrence entre les prestataires de services européens, au nom du moins disant social et fiscal.

Un malheur n’arrivant jamais seul : les récentes déclarations de Mme Hübner, commissaire européen à la politique régionale, demandant de «faciliter les délocalisations en Europe» apportent des arguments à ceux qui ne voient dans l’Europe ultralibérale de Bruxelles, «qu’un marché intérieur où la concurrence est libre et non faussée» (art. 1- 3 o 2).

Mme Haigneré, peu sûre de son argumentation, nous dit que les services publics, mis en cause par la directive Bolkestein, seront protégés par l’article III-122 de la Constitution européenne. Elle oublie de mentionner l’article III-148 qui précise que «les Etats membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire» et l’article III-166 o 2 qui dit en substance que les services publics sont soumis aux règles de concurrence et que les aides d’Etat sous quelque forme que ce soit sont interdites (art. III- 167). Cela change la vision de nos «eurobéats» !

Autre affirmation de Mme Haigneré : de même qu’il n’y aurait aucun lien entre la Constitution européenne et la Turquie – Je vous renvoie à l’article de M. Dupont-Aignan in Le Figaro (11/02/2005) -, «la proposition de directive n’est en rien liée à la Constitution européenne». C’est faux. Pour réactiver le processus de Lisbonne, c’est-à-dire faire de l’Europe l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde à l’horizon 2010 (sic), la commission Barroso s’appuyant sur les commissaires Mandelson (commerce extérieur) et Kroes (concurrence) entend développer une économie ultralibérale, débarrassée de toutes les rigidités administratives, juridiques ou normatives, livrée aux seules forces du marché. C’est le sens du fameux «principe du pays d’origine» qui n’est pas acceptable, en particulier, en raison de la grande disparité qui existe entre la «vieille» et la «nouvelle» Europe au niveau des salaires, de la protection sociale et de la fiscalité. Cette politique s’appuie à la fois sur l’art. III-314 («… l’Union contribue… à la suppression progressive des restrictions aux échanges internationaux et aux investissements étrangers directs, ainsi qu’à la réduction des barrières douanières et autres») et sur l’article III-178 («économie de marché ouverte où la concurrence est libre»).

Autre affirmation : Mme Haigneré croit avoir trouvé la solution à la quadrature du cercle : «l’harmonisation» des politiques. Malheureusement pour elle, les pays de l’Est, l’Irlande et le Royaume-Uni n’en veulent pas (ils pratiquent le dumping fiscal et social) et s’appuient sur l’article III-179 o 2 pour définir les grandes orientations des politiques économiques dans le sens le plus libéral tel qu’il est défini à l’article III-178 déjà cité en bénéficiant de leurs avantages comparatifs.

Dernier élément soulevé par le ministre : l’exclusion du champ d’application de la directive d’un certain nombre de professions dont les services publics, la santé ou l’audiovisuel. Cette pétition de principe, aveu de faiblesse et d’impuissance, est contredite par l’article 1-13 sur la politique commerciale commune, compétence exclusive de l’Union et décidée à la majorité qualifiée. Il est vrai que l’article III-315 o 4 en atténue la portée mais il n’empêche que le principe général qui prévalait jusqu’à présent devient l’exception et affaiblit le maintien de nos services publics. Qui déterminera s’il y a atteinte à la diversité culturelle et perturbation grave des services au niveau national ?

Non, madame le Ministre, malgré votre bonne volonté de néophyte, vous n’arriverez pas à nous faire prendre des vessies pour des lanternes, c’est-à-dire à nous faire avaler cette Constitution européenne en disant qu’elle est bonne pour les entreprises, pour les salariés, pour les indépendants, bref pour la France.

De quelque côté qu’on se tourne, on ne voit que des nuages noirs s’accumuler sur notre «cher et vieux» pays. Ce n’est pas le moment d’abandonner notre protection sociale, nos services publics, notre indépendance énergétique, notre politique industrielle, en un mot notre souveraineté et nos libertés.

Il y a là-dedans tous les épouvantails classiques: « moins disant social et fiscal », « l’Europe ultralibérale de Bruxelles », « la commission Barroso entend développer une économie ultralibérale, livrée aux seules forces du marché », « les pays de l’Est, l’Irlande et le Royaume-Uni pratiquent le dumping fiscal et social », « atteinte à la diversité culturelle et perturbation grave des services au niveau national ».
La conclusion résume parfaitement l’article: « Ce n’est pas le moment d’abandonner notre protection sociale, nos services publics, notre indépendance énergétique, notre politique industrielle, en un mot notre souveraineté et nos libertés« . La liberté de l’Etat français et de ses associés (syndicats, fonctionnaires, très grandes entreprises) à taxer le peuple. Voilà la « liberté » que défend cet homme. Comme le dit Eric ABC, encore une victime de la folie française.

Merci à Eric ABC qui aurait pu signer l’article…