Culture d’état

La France est un pays « en déclin ». Soyons clairs: la culture française n’a pas un rayonnement capable de rivaliser avec celle des Etats-Unis, qui a gagné « les coeurs et les esprits ».
Pourtant, envers et contre tout, le gouvernement français souhaite rétablir « l’influence » de la France. Et bien sûr, cela passe par vos impôts. Le personnel des centres de coopération se réunit actuellement autour du ministre des affaires étrangères, M. Védrine. Au palais des Congrès se tiennent donc des conversations de la plus haute importance stratégique: des sujets comme la coopération culturelle, l’aide au (sous ?) développement, la lutte contre les pandémies y sont abordés. Toute la panoplie des « revendications » du bon militant anti-mondialisationsont là, sauf peut être l’abandon des dettes à l’égard du tiers monde.

Pourtant malgré l’écho récent des thèmes abordés, les coopérants ne sont pas satisfaits de leur sort. Leurs
villas aux Maldives, au Sénégal et autres pays ensoleillés et touristiques ne leur suffisent plus semble-t-il.
Imaginez donc nos pauvres hères, éparpillés aux quatres coins du monde, comme autant de petits phares de la culture française, témoins du « désir de France« , comme le dit la journaliste poète du Monde. Car ils ne peuvent y répondre à ce désir, isolés et écrasés qu’ils sont par « une tutelle futile, souvent décalée et tâtillonne« . Le gouvernement français s’affirme pourtant comme le chantre de la « diversité culturelle ». D’ailleurs, quelle étrangeté que cette notion de diversité culturelle: en fait elle est conçue en France comme un barrage contre les productions américaines, que ce soit au niveau du cinéma ou des productions audios (quotas radiophonique de « francophonie »). J’imagine qu’ailleurs dans le monde faire la promotion de l’isolationnisme en l’appelant « diversité culturelle » tout en appelant à la résistance contre l’envahisseur américain doit rencontrer quelque écho. Je suggère à nos coopérants un tour en Afghanistan à ce sujet.

Même les Anglais, pourtant d’affreux ultra-libéraux, font mieux que les ministres français quand il s’agit de dépenser des sommes folles à l’étranger: 160 centres culturels anglais reçoivent 600 millions d’euros environ, contre un tout petit 152millions d’euros pour les 151 centres français et les 250 Alliance Française subventionnées (car les trois quarts ne le sont pas… pourrait on faire quelque chose sans subvention ?). Un député français (socialiste) fait même remarquer que 53% du budget des centres provient d’autres sources que les subventions ce qui selon lui est trop élevé! Non non, je ne mens, imaginez donc que nos amoureux de la culture française aillent chercher des ressources ailleurs que dans les subventions, qu’ils gagnent un peu d’indépendance vis à vis de leur hiérarchie tâtillonne et futile, quelle horreur! Ils pourraient lancer des projets non visés par la Haute Commission de Bienséance Idéocratique (là j’invente)! Le même député propose donc fort logiquement d’allouer 15 millions d’euros supplémentaires chaque année. Une paille pour lui certainement. Une goutte d’eau dans l’océan des taxes impôts accises redevances droits et contributions! Qu’est ce que c’est 15 millions d’euros, hein je vous le demande ? Niet, nada! Cet homme n’a aucne conscience des entreprises qui mettront la clé sous la porte, des familles qui renonceront à leur projet de grande maison, ni aux diplômés qui s’expatrient. 15millions d’euros ? Peanuts!

Et le même député, Yves Dauge, constate l’inadmissible: si l’administration est tâtillonne et futile (troisième répétition, promis c’est la dernière), elle n’existe pas au travers d’objectifs définis, qui orienteraient l’action des centres. Tant mieux vous allez me dire, et c’est vrai, d’où la confirmation du fait que l’autofinancement des centres soit jugé comme inadmissible. L’indépendance ne doit pas exister, car de quels objectifs s’agit-il ? Tout simplement « géographiques, thématiques, politiques, artistiques« . C’est donc au centre de décider pour toute la planète les contenus à diffuser: la propagande française doit être uniforme. Notez la présence d’objectifs politiques d’ailleurs. Les centres culturels vont-ils devenir des relais de propagation de l’ « anti-mondialisme » par exemple ? Ou alors de la culture écolo-communiste des Verts ? Du pragmatisme social de Jospin qui lui fait appliquer les 35h et ensuite piquer dans la caisse de la Sécurité Sociale pour boucher le trou qu’il a ainsi créé ? On peut légitimement se poser la question!
Loin de considérer ses propos contradictoires, notre député souhaite que les centres agissent dans « une logique de part de marchés et de retour sur investissement ». Il aurait peut être du dire aux directeurs de centres que désormais ils leur faudraient s’autofinancer à 100% pour leur faire passer ce message non ? Mais il y a pire: « il souligne particulièrement la nécessité de revaloriser la fonction de directeur de centre et leur garantir une autonomie« . Autonomie dans la ligne du Parti ? Non, en fait il veut affranchir les centres de la tutelle des diplomates français locaux pour rattacher les centres à Paris. Leur autonomie aurait pu être totale s’ils s’autofinanceaient à 100%… Mais voilà une idée qui n’atteindra jamais le cerveau d’Yves Dauge.

Face au désarroi croissant parmi les coopérants et au rapport d’Yves Dauge, le gouvernement a choisi de réactiver le réseau de coopération. Traduction en langage courant: vos impôts seront dépensés par des fonctionnaires dans les îles sous les Tropiques. Mais même si l’on sait qu’au final des millions de francs seront perdus dans les sables des plages lointaines, ils pourraient l’être en ski nautique ou autres activités inoffensives. Et bien même pas. Lionel Jospin et Hubert Védrine ont fait le déplacement pour signifier aux coopérants que l’Etat français revenait en force, et cette fois, avec des objectifs clairs.

« Vous formez désormais un réseau public d’influence et de solidarité de dimension mondiale: c’est un atout décisif face aux enjeux posés à notre pays par la mondialisation« . En ces temps troublés de campagne présidentielle, si je n’avais annoncé au paragraphe précédent que le premier ministre était un des orateurs, vous auriez été bien embêtés pour déterminer qui a dit cette énormité. Jospin y pose clairement la mondialisation, c’est à dire je suppose les échanges de tout type internationaux, comme un problème. Et voilà aussi les deux traîtres mots prononcés: influence et solidarité. Comment avoir de l’influence en effet si l’on ne met pas la main au porte monnaie ? Je vous le demande! C’est bien socialiste comme attitude: on va leur rendre leur liberté en leur donnant à manger. Cela leur évitera les peines du développement économiques et avec ça ils resteront dans la sphère d’influence de la France. Du néo-colonialisme en somme!
Le rôle des coopérants dans ce schéma est le suivant: il faut pourrir toute chance de développement des pays visés en implantant chez eux le socialisme dès aujourd’hui (comme si le tribalisme n’y suffisait pas en Afrique!!). Ainsi les coopérants doivent « mobiliser les intellectuels, les scientifiques français afin qu’ils interviennent dans les grands débats de société. (…) Les questions d’éthique, la lutte contre les pandémies, la sécurité alimentaire, le commerce équitable, les normes sociales, la parité entre les femmes et les hommes sont autant de domaines où la spécificité de nos analyses et de notre action pourra être mieux expliquée et donc mieux comprise.« . Merci au passage au Monde qui se charge de relever les plus belles inepties. Jospin souhaite donc mobiliser toute l’intelligentsia française pour proférer la bonne parole. Amusant tout de même de voir les préoccupations typiques de pays riches comme les questions d’éthique ou les « normes sociales » et la « parité homme femme » cotoyer la lutte contre les pandémies et la sécurité alimentaire. Ah, précision: si par sécurité alimentaire on entend purification de l’eau et désinfection des viandes, oui c’est une préoccupation du tiers monde. Si par contre c’est l’affollement des vaches dont on parle alors c’est encore un sujet typiquement européen…
Bref on voit au travers des sujets qui doivent être développés que la gangrène socialiste revendicative sera bientôt inoculée à grande échelle dans les pays sous « influence » française.

Les réclameurs d’utilité publique, les différents para-gouvernementaux (les ONG par exemple) vont donc y trouver leur compte. Eux qui déploraient la baisse des budgets, les voilà abreuvées de promesse. Peut être même « le marché des capitaux finira par participer au développement » d’après Kouchner. Mais il a pris soin de rajouter: « d’une façon ou d’une autre« . Voilà donc des propos pleins de menaces d’impôts, car après les promesses de subventions, il faut bien ratisser quelqu’un!

Un seul moment d’intelligence notable aurait pu apporter un peu de neuf dans les habits milles fois rapiécés de l’interventionnisme culturel et le centralisme autonomiste (belle formule ? c’est de moi!). L’intervention du PDG de Renault, invité à « parler de de l’impact de « l’image culturelle de la France » » n’a pu s’empêcher de « commettre » l’erreur de parler marketing et publicité! Mais non, ce qui intéressait les auditeurs c’était l’argent, toujours l’argent. Ah bassement matériel ces socialistes! Ils ont donc opposé à Louis Schweitzer les dons de fondations étrangères, notammement Agnelli (Fiat), Ford et Volkswagen qui financent en partie le Centre Culturel du Caire. Peut être faut-il rappeler que les fondations en France ne bénéficient d’aucune accalmie fiscale, et que les fonds collectés passent par Fondation de France organisme d’Etat. Il n’y a donc pas de Fondations en France!

Si j’ai parlé d’intelligence à propos de M. Schweitzer, c’est parce qu’il détient la clé de la diffusion de la culture: son commerce. Un exemple simple suffira je pense à convaincre: les quartiers chinois que l’on trouve dans chaque grande ville occidentale. Les communautés asiatiques ont fait de leur culture un bien de consommation courante: boissons, musique, nourriture, ameublement même! En vantant la publicité de Renault à l’étranger, le PDG de Renault ne faisait rien d’autre: essayer de séduire les cliens potentiels de ses voitures au travers de l’adhésion à un ensemble de valeurs que peut représenter la France. Que ce soit le luxe, la bonne chère, ou l’image technologique véhiculée par le TGV. Je sais, c’est une création d’état, mais si justement des dizaines de milliards n’avaient pas été engloutis là dedans, peut être aurions nous un Bill.

Au début de cet article, je présentais brièvement le faux concept de diversité culturelle. Les écologistes parlent sans cesse de la diversité biologique. Un néo-zélandais, membre de la société protectrice du kiwi, oiseau rare emblème de ce pays, avait proposé comme solution que chaque néo-zélandais dans un élan patriotique mange un de ces oiseaux au petit déjeuner. Le commerce de ces oiseaux serait ainsi devenu rentable. Et le kiwi aurait été sauvé. En France on pourrait dire la même chose du secteur du vin ou du luxe: c’est en faisant le commerce de ces produits qu’ils sont devenus mondialement reconnus, et que la culture française est louée.
Pour que la culture française redevienne attractive, elle n’a pas besoin de subventions, elle a besoin de clients.