Memento rerum : ista pax…

Be.Ne.Lux., C.E.C.A., C.E.E. (et marché commun), grand marché intérieur, Union européenne (première formule) et Union européenne (seconde formule), voilà des reptations du serpent politique en Europe depuis la décennie 1940 qui devraient être connues de chacun tant elles sont aux antipodes de ce que recouvre Europa, la déesse.

Ce qu’on dénomme aujourd’hui « Union européenne » est en vérité le dernier avatar d’une organisation internationale convenue au début de la décennie 1950 par six pays dits « Hautes parties contractantes » – France, République Fédérale Allemande, Italie, Belgique, Hollande, Luxembourg -, et dénommée CECA (Communauté économique du charbon et de l’acier), elle-même extension particulière de l’esprit de la toute récente alors organisation à trois pays, Be.Ne.Lux – pour Belgique, Hollande et Luxembourg -.

Le mot « communauté » est important. On remarquera, en effet, en passant que, comme le souligne Bastiat:
« Il est des temps où l’on ne peut prononcer certains mots sans s’exposer à de fausses interprétations. Il ne manquera pas de gens prêts à s’écrier, dans une intention laudative ou critique, selon le camp: « L’auteur parle de communauté, donc il est communiste. » Je m’y attends, et je m’y résigne. Mais en acceptant d’avance le calice, je n’en dois pas moins m’efforcer de l’éloigner.
Il faudra que le lecteur ait été bien inattentif (et c’est pourquoi la classe de lecteurs la plus redoutable est celle qui ne lit pas), s’il n’a pas vu l’abîme qui sépare la Communauté et le Communisme. Entre ces deux idées, il y a toute l’épaisseur non-seulement de la propriété, mais encore du droit, de la liberté, de la justice, et même de la personnalité humaine. »

De plus, à l’époque et depuis la décennie 1920, la mode était dans le marché politique, et en dépit des critiques de certains économistes (tels que, par exemple, Jacques Rueff ) sur le projet, à la création d’organisation internationale articulée à une institution, à un secrétariat, doté de la personnalité juridique, veillant au respect par les parties de l’accord dont elles étaient convenues et cela en tous domaines. Cette mode avait donné lieu successivement à la BRI (Banque des règlements internationaux en relation avec les réparations liées à la guerre de 1914-18), au BIT (Bureau international du travail), à la SDN (Société des nations) puis à l’ONU (Organisation des nations unies), au FMI (Fonds monétaire international), à la BIRD (Banque international pour la reconstruction et le développement), à l’OECE (Organisation européenne de coopération européenne) qui renaîtra de sa disparition programmée sous l’étiquette OCDE (Organisation de coopération et de developpement européenne), etc. Exception à cette galerie en évolution, le GATT (General agreement on tariffs and trade) qui, créé en 1947, n’avait pas été doté d’une institution pivot, d’une personnalité juridique. Le biais sera corrigé dans la décennie 1990 où il cèdera sa place à l’O.M.C. (Organisation mondiale du commerce) où une bonne vieille bureaucratie sera mise en place !

* Charbon et acier »
Originalité de la CECA qu’on retrouve seulement dans l’ONU, en plus de posséder l’institution-pivot dénommé « Haute autorité », elle possède une Cour de justice sise à Luxembourg, composée de magistrats non professionnels (par exemple, J. Rueff a été, un temps, juge dans cette cour) et chargée de juger les éventuels différents entre les Etats signataires de l’accord. Le traité de la C.E.C.A. a expiré, il y a seulement trois ans, le 23 juillet 2002.

* Produits en général (exceptions faites des produits agricoles et des services) et marché commun en particulier
En 1957, nos six « Hautes parties contractantes » conviennent à Rome d’un deuxième accord qui donne naissance à la CEE (Communauté économique européenne), décalque de la CECA (avec « Commission » et « Cour de justice »), et qui vivra jusqu’au début de la décennie 1990 où un troisième grand traité – signé à Maastricht – y mettra un terme et la remplacera par l’UE (Union européenne), le traité sera signé par alors quinze Hautes parties contractantes.
Originalité de la CEE qu’on trouve latente dans la CECA, le traité fait intervenir explicitement le principe de libre circulation des personnes et des biens, le principe de libre établissement et le principe de libre prestation de service. La CEE – dénommée aussi « marché commun » – est en vérité une organisation de l’offre du marché qui tend à ce que celle-ci soit « concurrentielle » et non pas « ratiboisée » par des politiques nationales. Une exception de taille est néanmoins à signaler en matière agricole où une « politique agricole commune », antinomie de la concurrence, est admise et sévira pour le malheur des agriculteurs et de l’aménagement du territoire.

* Tous les produits (services ou non), offre concurrentielle et marché unique
Au milieu de la décennie 1980, les Hautes parties contractantes, désormais douze, amendent fondamentalement le traité de Rome par ce qu’on dénomme l' »Acte unique ». Elles conviennent qu’à compter du 1er janvier 1993, elles n’empêcheront plus que l’offre soit concurrentielle dans tous les domaines, en particulier dans celui des services, financiers ou autres ; le marché ne sera plus commun, mais « unique », il y aura un « grand marché intérieur » dans la C.E.E..

Le coup d’Etat du marché politique
Mais fin décennie 1980-début décennie 1990, il y a l’éclatement de l’URSS non prévu par les politiques en place mais prévu de longue date par les économistes de l’école de pensée dite « autrichienne » à l’instar de Mises . En effet, la coercition des êtres humains ne peut être perpétuelle à cause des coûts croissants à quoi elle doit faire face et des ressources décroissantes dont elle dispose en raison des destructions croissantes qu’elles occasionnent.
Il y a l’accord politique de la réunification de l’Allemagne. Et le marché politique de l’époque réussit en 1991, bien avant donc le 1er janvier 1993, le coup d’Etat du traité de l’UE (dit « traité de Maastricht ») qui dénature totalement le projet d’offre concurrentielle et de marché unique : il fait bifurquer dans la voie qui doit mener à un Etat européen « selon son cÂœur ».
Et c’est, aujourd’hui, le traité constitutionnel actuel, soumis à référendum en France le 29 mai prochain, qui donne une personnalité juridique à l’UE par son article I.7 (Titre premier) et, par là même, lui donne une seconde définition sans relation avec la précédente : la Convention Giscard a tué la Communauté européenne, vive l’Union européenne ! Historiquement, la dernière personne juridique qui a été créée par une voie semblable et qui a pu faire apprécier les milles feux dont brille une Union ainsi constituée, était l’URSS. Longue vie donc à l’UE !

La paix
Autre originalité du traité de constitution européenne qu’on retiendra pour conclure ce bref memento, il fait apparaître en bonne place (Titre premier, art. I.3.) un mot qui n’était jamais apparu dans les textes européens antérieurs tant il était une évidence pour des hommes libres, un mot qu’on retrouve en revanche dans tous les textes officiellement communistes d’autres lieux ou d’autres temps (à commencer par la constitution de l’URSS aujourd’hui disparue), un mot que les hérauts, prosélytes ou thuriféraires de ces derniers textes ont en permanence à la bouche comme pour mieux le pervertir, l’empêcher et y nuire par l’Etat de leur rêve qu’ils construisent en toute irresponsabilité: c’est le mot « paix ».
Mais, quelques alinéas plus bas (Titre premier, art. I.3.3), le traité mentionne que l’UE « combat l’exclusion sociale et les discriminations » ! C’est donc cela la paix universelle que le traité constitutionnel défend ? C’est vraiment la paix socialo-communiste avec les conséquences qu’on a pu observer au XXè siècle, des conséquences qu’on obtient à partir d’un raisonnement simplement logique et qui se reproduiront inchangées si le traité est ratifié !

Oui, la paix, fichez-nous là ! Non au traité.