Arrêtez le massacre !

Nous nous associons � cette importante interpellation de Pascal Salin aux politiciens. Une offre politique libérale est plus que jamais opportune. C’est le moment. Et voici pourquoi. Par Pascal Salin.

Pascal Salin

ARRÊTEZ LE MASSACRE !

LETTRE OUVERTE AUX POLITIQUES DE TOUS LES PARTIS *

par Pascal Salin

Qu’avez-vous fait de ce pays ? C’est � vous tous, hommes et femmes politiques de tous les partis, que j’adresse cette question. Êtes-vous conscients que l’extension continuelle de vos pouvoirs et de vos prélèvements a provoqué l’inquiétude, le désespoir ou la lassitude ? Des siècles de civilisation, d’efforts, de goût du travail bien fait sombrent dans un désastre: une société sans espérance et conflictuelle, l’oubli des valeurs morales, la pauvreté et le chômage, le mépris du travail.

Enfermés dans votre logomachie sur le modèle social français – que le monde nous envierait, mais qui est en réalité un objet d’étonnement et de dérision –, vous continuez imperturbablement � promettre la croissance, la fin du chômage, la disparition des inégalités. Et pour cela vous dépensez toujours plus, vous contrôlez toujours plus, vous achetez des clientèles électorales avec l’argent que vous soutirez sans scrupule � ceux qui l’ont gagné par des efforts surhumains, d’autant plus surhumains que vous captez la plus grande partie de leurs fruits.

Vous vous gargarisez de politiques-gadgets – plans de modernisation sociale et de cohésion sociale, prêts � taux zéro, stimulation de la consommation, primes et aides variées – qui ne font que renforcer le mal et dont les mauvais résultats sont donc le prétexte de nouveaux gadgets. Et, au lieu de comprendre et d’avouer que les adversaires des Français et des Françaises sont � l’intérieur – c’est vous-mêmes –­, vous partez dans des guerres de diversion contre de prétendus ennemis extérieurs, qui s’appellent « mondialisation », « directive Bolkestein » ou même « Google ».

Au nom de la réduction de la « fracture sociale » vous prélevez toujours plus, vous empruntez toujours plus, obérant en cela le pouvoir d’achat des générations futures, vous détournez l’épargne de ses emplois productifs pour satisfaire vos promesses démagogiques. Car la réduction de la fracture sociale n’est qu’un prétexte pour faire croître sans arrêt vos propres pouvoirs et les pouvoirs de la bureaucratie. Cela serait risible, si ce n’était pas tragique, de constater que vingt-quatre ans de socialisme ininterrompu et de « lutte contre les inégalités », depuis cette date funeste de l’élection de François Mitterrand � la présidence de la République, n’ont fait que créer du chômage, provoquer la misère, développer les inquiétudes, susciter les conflits.

Vous avez ainsi fait naître d’autres « fractures sociales », celles qui existent, par exemple, entre ceux qui font des efforts immenses de travail, d’épargne ou d’imagination et ceux qui vivent de subsides, mais aussi de rentes et privilèges: le bien-être est de moins en moins la récompense des efforts personnels, il résulte de plus en plus de l’appartenance � des réseaux de pouvoir ou � des groupes revendicatifs qui obtiennent d’autant plus qu’ils sont plus nuisibles et menaçants.

Comment pouvez-vous ne pas être sensibles au drame humain que représente, pour des générations de jeunes, la perte de l’espoir ? Souvent courageux et motivés pendant leurs années de formation, ils savent qu’� la fin de leurs études ils risquent de se retrouver en stagiaires mal payés ou en chômeurs et si d’aventure ils peuvent espérer trouver ensuite un salaire rémunérateur, les charges fiscales seront telles qu’il leur sera difficile d’épargner pour se constituer un petit capital, pour se loger, pour faire vivre leurs familles.

Ne savez-vous pas que la plupart d’entre eux ne rêvent plus que d’une chose: quitter ce pays – qu’ils aiment pourtant, mais dont ils ne supportent plus les rigidités, les réglementations étouffantes, la spoliation fiscale ? Ce sont souvent les meilleurs qui partent, et c’est dans d’autres pays qu’ils créent une famille et font naître richesses et emplois. Et n’est-ce pas au demeurant un gâchis effrayant que d’avoir supporté ainsi pendant des années le coût de la formation de ces jeunes qui partiront en exil avant même d’avoir pu faire bénéficier autrui de leurs talents ?

Croyez-vous vraiment que l’on peut créer des emplois en punissant systématiquement tous ceux qui sont susceptibles d’en créer ? Croyez-vous vraiment qu’on peut retrouver une croissance forte et durable en empêchant l’accumulation de capital, en incitant les meilleurs � partir � l’étranger, en détruisant les incitations productives et en récompensant la paresse, les combines et les menaces ?

Tout cela est facile � comprendre et, si vous ne le comprenez pas, c’est que votre frénésie � dépenser pour vous attacher des clientèles électorales envahit votre pensée et votre action. Vous n’avez pas intérêt � voir, � comprendre, vous n’avez pas non plus intérêt � regarder le monde extérieur. Vous y verriez pourtant des pays prospères et pacifiés où des hommes et des femmes politiques courageux et clairvoyants ont su mettre fin rapidement � toutes sortes d’excès étatiques, en déréglementant, en remplaçant l’impôt progressif par un impôt � taux unique, en supprimant droits de succession et impôts sur le capital, en diminuant dépenses publiques et prélèvements.

Certains en viennent � se demander si seule une révolution pourrait faire éclater la gangue de rigidités et de spoliations qui enserre la vie des Français. Un tel événement peut se produire, mais il ne conduira nulle part si un projet libérateur n’est pas disponible et si personne n’est prêt � le porter. Les révolutions pacifiques sont, elles aussi, possibles. Mais il faudrait, pour cela, briser le monolithisme de la pensée dans la politique, les médias, l’enseignement. Et il faudrait qu’apparaisse enfin une nouvelle génération d’hommes et de femmes politiques nourris de convictions fortes et libératrices, prêts � réduire leurs propres pouvoirs afin de permettre aux individus de redevenir responsables de leurs propres vies.

* Cet article a d’abord été publié dans Le Figaro, le 2 août 2005.