Tobin contre Tobin

La taxe Tobin, un nom bien lourd à porter si bien que le fameux Tobin, son inspirateur la renie aujourd’hui, pris d’effroi face à ce qu’est devenue aujourd’hui son idée qui ne visait qu’à décourager la spéculation sur les devises et non à sauver le monde. « La tentation de recourir à des recettes trop simples est grande lorsque la résolution de problèmes évidents est trop complexe ou nécessite trop de temps. La taxe Tobin est aujourd’hui conçue comme le remède miracle à tous nos maux » Ernst Welteke, président de la Bundesbank, les Echos du 27 septembre 2001.

Le but de la taxe Tobin, véritable panacée universelle ? Un monde plus juste. En décourageant la spéculation, elle permettrait de juguler crises monétaires et financières et même pour les plus acharnés d’inverser le cours de la globalisation.

Un faible taux d’imposition suffit certainement à affecter de manière significative un marché spéculatif, celui-ci jouant sur des variations de prix très faibles. Pourtant toutes les transactions à court terme ne sont pas « mauvaises ». Les profits engendrés par l’exploitation des différences de cours (profit d’arbitrage) remplissent un rôle primordial pour le fonctionnement des marchés : veiller au maintien d’un prix uniforme sur ceux-ci: c’est ce que l’on appelle l’équilibre. Remettre en cause ces mouvements peut donc mener à des aberrations dommageables.

De plus, les risques de crises monétaires ne disparaîtraient pas pour autant. Ces crises sont le fait d’une gestion difficile au niveau des états et résultent d’une grave perte de confiance qui entraine une forte chute des cours. Seuls les petits mouvements seraient concernés par cette taxe alors qu’ils ne posent pas de problèmes à l’économie réelle.

Le plus grave dans cette vision de la taxe Tobin et qu’elle toucherait indifféremment la spéculation mais aussi le commerce extérieur. Celui-ci serait donc renchéri au détriment des pays les moins développés.

De plus, l’amoindrissement des profits sur le marchés des devises (le champs originel de la taxe Tobin) entraînerait une baisse de la liquidité (des quantités demandées) et donc une plus forte volatilité (quand il y a moins de produits, le marché réagit plus brusquement aux variations de l’offre et la demande). Ainsi la taxe Tobin ne fait pas qu’entraîner des effets secondaires nocifs. Elle peut déstabiliset tout le marché dont le but premier n’est pas la spéculation (qui peut être dommageable mais pas forcément : où est le mal à s’enrichir?)

On peut ajouter que cette taxe ne peut être efficace que si elle est mondialement appliquée sans parler des problèmes techniques d’application. Il y a beaucoup de bonnes raisons de dire non à la taxe Tobin ce qui ne signifie pas que l’on doit rester les bras croisés à rien faire. Les crises financières et monétaires trouvent leurs origines dans des politiques économiques et fiscales inadaptées, dans des problèmes bancaires ou de l’économie réelle. Les marché financiers répercutent les problèmes, dès qu’ils sont avérés, sur les prix. Comme les prix réagissent plus vite que les quantités, les marchés financiers réagissent de manière plus volatile et rapide et tendent plus à l’exagération. Mais cela ne signifie pas que toutes les crises (comme les licenciements) trouvent leur source dans les marchés financiers : ils ne sont souvent qu’un simple reflet.

La taxe Tobin est donc une fausse solution qui crée plus de problème qu’elle n’en résout même si elle part d’une bonne intention, dont l’enfer est pavé d’ailleurs. Il n’est même pas nécessaire d’évoquer les problèmes liés à la redistribution des richesses collectées qui n’arriveraient certainement pas dans les poches de ceux qui en ont besoin pour la rejeter. Adieu taxe Tobin.

(D’après Ernst Welteke, président de la Bundesbank.)