Forni et les longues peines

Le président Forni expose avec clarté la politique carcérale socialiste: la prison n’est pas une sanction mais une protection des criminels «victimes » de la société. Cette conception organiciste est à l’origine de la déresponsabilisation des individus, ainsi réduits au statut d’homme boulon. Le brassage à vide de l’idéologie n’a même plus les limites que le clientélisme démocratique impose généralement aux élus. Alors que l’insécurité est devenue une préoccupation majeure des électeurs, M. Forni se permet de disserter de manière philosophique et inactuelle sur la question des « longues peines ». Il est vrai que le président de l’assemblée nationale est d’abord l’élu de ses pairs, et doit donc rendre des comptes idéologiques aux députés socialistes en tout premier lieu.

En résumé, « le président de l’Assemblée nationale part en guerre contre les longues peines infligées aux détenus, contraires selon lui à la vocation première de la prison qu’est la réinsertion ». Incroyable mais vrai, la « peine » de prison n’est plus une peine mais une promesse de réinsertion. Vous vous sentez « marginalisé » alors commettez un crime pour que « la société » vous donne une « seconde chance » et vous permette de vous « réinsérer ». Un minimum de réflexion sur la rationalité de « l’action humaine » nous conduit à prendre en compte la fonction incitative des lois et des règles. Si le criminel ne risque plus rien d’autre qu’une promesse de réinsertion alors il n’y a plus qu’à compter sur l’hypothétique bonté de la nature humaine. Le criminel est bon, au fond, c’est la société qui l’a corrompu, on connait la musique.

Toutefois un problème interessant est posé par le président. « Supprimer les longues peines me paraît aussi répondre à un principe que je défends depuis longtemps et que l’on a peut-être un peu oublié : l’individualisation des peines. Ainsi, la peine applicable à Durand ne sera pas la même applicable à Dupont, parce qu’il y a deux hommes, deux personnalités, deux cultures… C’est par rapport à cet idéal que l’on est obligé de progresser sur un plan législatif. » L’argument semble juste mais la contradiction est flagrante. Comment le législateur peut-il prétendre en même temps adoucir uniformément le régime des peines et individualiser les peines ? Les étatistes veulent réaliser la quadrature du cercle. Uniformiser et différencier ? Est-ce bien raisonnable?

Cela conduit à penser encore une fois que seul le droit libertarien peut répondre de manière satisfaisante à la question des peines. Le principe général est que la violation des droits individuels exige une réparation. Or l’exigence et la nature de la réparation ne peuvent pas être décidées a priori et encore moins imposées par l’Etat. La réparation ne peut être réellement définie que par un processus contractuel libre dont les acteurs seraient les individus, des tribunaux privés, des assureurs, des agences de protection privées…

Pour finir, M. Forni demande carrément aux gens de faire le travail des politiciens à leur place et d’endosser leur responsabilité: « Il est, à mon sens, dit-il, un peu trop facile de se débarrasser de ces questions sur l’appareil d’Etat, l’administration, les politiques, qui ont le dos large. Le meilleur moyen de leur faire prendre conscience de leur nécessaire participation est de les mettre autour d’une table ronde.  »
Et vive la démocratie paternaliste! M. Forni, en bon père de famille, veut nous éduquer. Ainsi, il ne faut pas tout demander à son papa, il faut apprendre à penser par soi-même, mais pas trop. Pas au point de se rebeller contre l’Etat, qui, comme un bon papa, a « le dos large ». Il est compréhensif. Mais Il nous donne les repères qui vont nous guider dans la vie.
Les machiavéliens modernes sont des éducateurs-rois.

Après avoir lutter pour supprimer la peine de mort, les socialistes s’attaquent aux peines longues. Jusqu’où ira ce mouvement ? La transformation des prisons en hôpitaux psychiatriques où seront accueillis non plus les criminels seulement mais aussi les déviants, les auteurs des crimepensées racistes, sexistes ou simplement anti-étatiques.
Peut-être peut-on rajouter ce point complémentaire à l’excellente réflexion de Hervé Duray sur la France de 2020.