Liberté de la presse

M. Delanoë, le maire de Paris, s’inquiète du prochain lancement de journaux gratuits sur Paris. La liberté de la presse serait-elle menacée ? Qu’est ce que le maire de Paris peut bien trouver à redire à la diffusion de journaux gratuits ?
Voici quelques éléments de réponse… J’ai été bien surpris de voir que M. Delanoë s’occupait de la diffusion des journaux sur la capitale. Moi qui voyait là dedans une histoire de business pure, je me trompais: rien de plus politique que la presse!
En effet, alors que deux groupes de presse, Metro et Schibsted, s’apprêtent à lancer des quotidiens gratuits, les cégétistes perdent leur calme. Protégés par le fameux « syndicat du Livre » (avec un grand L, oui), les « ouvriers du Livre » voient l’arrivée de concurrence gratuite d’un mauvais oeil: les quotidiens sont tous plus ou moins mal en point, tous plus ou moins subventionnés directement ou indirectement (au nom de la pluralité)… la faillite se rapproche pour certains!
Si les cégétistes sont en colère, il est fort logique qu’ils contaminent les politiques. Sans compter que les directions des journaux menacés ont elle aussi crié au scandale, réclamant l’intervention des politiques pour sauver ce qu’eux mêmes sont incapables de faire prospérer…. Et voilà donc l’AFP qui s’en est allée interroger le maire de Paris sur ce dossier de première importance!

Dans l’interview rapportée sur Le Monde, il regrette la « confusion » du dossier: « la presse parisienne n’a pas de position commune« . Forcément: les concurrents qui subsisteront après la faillite des plus faibles n’ont peut être pas envie de les voir toucher des subventions, fragilisant ainsi leur propre position. D’ailleurs, il souligne que « les intérêts des uns et des autres doivent être pris en compte« . Les intérêts des Parisiens là-dedans, il n’en est point question: seulement ceux des syndicalistes et des journaux eux-mêmes.

Sur un plan plus général, il a déclaré: « On doit être dans une ville moderne, propre, où la liberté d’opinion peut se développer. Ville moderne, cela signifie, plus il y a d’informations, mieux c’est ; ville propre, ne pas laisser tout n’importe où ; liberté d’opinion, que la presse payante ne disparaisse pas. Sinon où est la démocratie ?« . Quelle personne éprise de liberté et de démocratie, n’est-ce pas ?
Examinons un peu ces propos: ses considérations sur la modernité équivalente à plus d’informations, on va les lui laisser. Avec une vraie liberté de la presse, sans loi sur la présomption d’innocence, sans loi Gayssot, sans loi de 1881 sur la presse, il y aurait peut être une plus grande « modernité », ce qui pour moi signifie « liberté ». Après tout, en Union Soviétique aussi il y avait de nombreux titres: Prava, Komsomolets et autres journaux…. mais où était la liberté de la presse ?
Quand il parle de ville propre, on peut s’attendre au pire: il ne faut pas laisser trainer n’importe quoi n’importe où. On est bien d’accords, bien entendu, mais qui peut décider de l’utilisation de ses présentoirs à journaux sinon leurs propriétaires ? A eux d’en décider, et non pas au maire. Mais là encore, nous sommes en France: c’est bien au maire de décider si les journaux peuvent être mis à la disposition du public dans des présentoirs ou distribués dans les boîtes aux lettres, au frais du journal évidemment. Il faut une autorisation municipale!
Dernière note amusante de cette déclaration: garantir la liberté d’opinion implique une presse payante. Le Québécois Libre n’est pas payant, et pourtant… Piètre excuse pour protéger les potes syndicalistes et les journalistes amis!

Voilà en quelques lignes résumée la situation de la presse en France: gangrénée par les cégétistes qui peuvent bloquer les rotatives si un article ne leur plaît pas, des rédactions qui quêtent la protection politique et têtent les subventions, et des politiciens qui trouvent là une trop belle occasion de se faire des amis qui leur seront plus tard, on n’en doute point, reconnaissant. Ah, au fait, saviez vous que la France est l’un des pays où l’on consomme le moins de journaux au monde ? On se demande pourquoi…