Insécurité sécurisée

Les nouvelles mesures de Sarkozy font de la France un état policier, renforcant le pouvoir arbitraire des policiers et réduisant les libertés individuelles. Il est toujours amusant de voir comme les différents gouvernements s’empressent de se copier les uns les autres pour tout ce qui relève de mesures absurdes, mais étrangement ne font pas de même pour tout ce qui est positif. Ainsi, le gouvernement suisse ne rêve que de plagier Raffarin sur son programme pour la sécurité routière, alors qu’en Suisse le nombre d’accidents de la route est bien moindre qu’en France et est en constante diminution.

Par contre, étrangement, des gens aussi « ouverts d’esprit » que Robert Badinter, décidement toujours aussi prétentieux, se donnent le droit de rédiger des constitutions européennes, pour lesquelles le moins que l’on puisse dire, pour reprendre le langage de la gauche, c’est qu’elles ne sont pas très « innovatrices ». Ainsi, ce cher Badinter reprend exactement les mêmes principes anti-démocratiques qui montrent jour après jours leur inefficacité – un président aux pouvoirs non clairement définis, d’ailleurs même pas élu par la population, un premier ministre au pouvoir bien trop important, une vague représentation des Etats, sous forme de représentants apparamment même pas élus, un éxécutif non-représentatif de la population… Et tout cela prétendant garantir la « souveraineté du peuple européen »…

Alors que la Suisse a une longue tradition de fédéralisme démocratique, dont il suffirait de s’inspirer. A moins que monsieur Badinter soit nationaliste au point de refuser un système politique simplement parce qu’il n’est pas issu de la grande France ? Ou tout simplement arrogant au point de le refuser parce qu’il n’est pas issu de lui ?

Mais c’est au sujet de l’insécurité que la comparaison entre les politiciens de ces deux pays devient vraiment intéressante. Dans les deux cas, on a une droite qui propose depuis longtemps des mesures plus ou moins discutables pour renforcer la sécurité, et une gauche qui fait la politique de l’autruche. Tout comme la gauche française, la gauche suisse s’empressait de hurler au scandale face à ces mesures, jusqu’au moment où, assez brutalement, elle a changé radicalement d’avis pour proposer des mesures encore plus sécuritaires, électoralisme oblige. Clamant bien sûr que, elle, c’était pas pareil. J’avais fait alors le commentaire suivant:

Ainsi donc, il y aurait d’un côté une manière « gentille » de mettre des flics partout, des flics gentils, des flics de gauche, ouverts, sympathiques, tolérants, et de l’autre, il y aurait la « dérive sécuritaire fascisante », celle de céder à la « tentation » nauséabonde de l’état policier, en mettant de « méchants » flics partout, de droite (ouille) renfermés sur eux-mêmes et ne rêvant que de flinguer de l’immigré, de gros nazis mal rasés en somme…

En somme, comme d’habitude, quand c’est le PS qui propose des mesures répressives voire discriminatoires, c’est normal, c’est bien, c’est gentil, c’est in, c’est de gauche, mais quand c’est la droite qui propose exactement la même chose, c’est de droite, donc c’est mal.

Visiblement, ce commentaire est tout aussi valide pour la France, si ce n’est que la France est un pays de gauche, tout de même, et où donc ce n’est pas la gauche qui a fait ledit retournement de veste, mais la « droite » (j’ai tout de même un peu de peine à qualifier ainsi des gens qui reprennent le programme d’Attac, mais enfin, admettons).

Comprenez donc mon amusement de voir Le Monde nous pondre un joli édito intitulé « Libertés menacées » (depuis quand Le Monde défend-t-il la liberté ?), avec, juste en dessous, suggérant subtilement un lien entre les deux, « LA DROITE » (oui, en majuscules). Vous ne le saviez donc pas, que seule la droite peut menacer les libertés ? Vous avez déjà oublié ces merveilleuses années de liberté sous Jospin ?

En résumé, les nouvelles mesures de Sarkozy font de la France un état policier, renforcant le pouvoir arbitraire des policiers et réduisant les libertés individuelles. Il serait tentant de dire que « ils sont allés trop loin, mais au moins on sera en sécurité », mais personnellement je doute que toutes ces mesures aient un quelconque effet sur la criminalité. La structure étatico-juridique est ainsi faite que les policiers rechigneront toujours ‘ aller dans les quartiers dangereux, se feront toujours corrompre, et seront toujours tentés d’abuser le leurs pouvoirs. Après tout, ils ont un chef qui leur donne le bon exemple: Jacques Chirac, lequel respecte toutes ses promesses électorales, est un exemple d’honnétêté et de compétence, et a un parcours irréprochable sans le moindre crime ou délit ! (nonon, je ne suis pas ironique du tout… ironiser sur Chirac, moi ? quelle idée…)

Plus en détails, dixit le Monde: Les pouvoirs de la police sont considérablement étendus, notamment en matière de garde à vue, le fichage génétique des suspects est autorisé, les possibilités de perquisitions et d’écoutes téléphoniques sont multipliées et de nouvelles infractions sont créées, pénalisant la mendicité ou la prostitution (…) Le « droit au silence » en garde à vue serait supprimé. (…) Le projet du gouvernement étend d’ailleurs les possibilités de perquisitions la nuit ou sans le consentement de la personne, ainsi que la mise sur écoutes téléphoniques, qui ne sont aujourd’hui autorisées que dans le cadre d’une instruction.

Le but des mesures répressive ? Selon le ministère de l’intérieur: « permettre à la police et à la gendarmerie de travailler. » Tiens, la police va se mettre à travailler ? Voilà qui est intéressant, c’est presque à se demander ce qu’ils faisaient jusque-là, notamment pendant la période où Chirac était déjà au pouvoir… (il me semblait bien que la police ne devait pas beaucoup travailler quand la criminalité augmentait de 20 %, à l’époque pourtant où Chirac devait bien travailler puisqu’il n’avait pas encore l’excuse de la cohabitation…)

Pour finir, le délire total: 2 000 euros d’amende pour absentéisme scolaire ! Le but ? Selon Sarkozy: « prévenir la délinquance des mineurs ». Donc, les gosses sont des criminels, et c’est en les mettant dans des classes – où ils ne perturberont certainement pas le bon déroulement du cours – qu’il faut les empêcher de commetre des crimes ? Quelle vision humaniste de notre jeunesse !

Il est à relever que là aussi une comparaison avec la Suisse s’impose, puisque depuis cette année, du moins à Genève, l’absentéisme au collège (lycée) est punissable d’un refus de délivrer la matu (le bac), la décision appartenant bien entendu au Herr Direktor, et le tout étant bien sûr fait uniquement « pour notre bien ». (sic) Le plus inquiétant, c’est que selon les dires-mêmes du prof qui justifiait ces mesures absurdes par l’éternelle rengaine « c’est pour votre bien », les élèves qui séchaient les cours étaient bien souvent les mêmes que ceux qui étaient en échec, ce qui démontre parfaitement bien l’auto-régulation du système. Mais pour ces braves gens tellement préoccupés par notre bien, c’est une justification de plus pour restreindre nos libertés. Allez comprendre.

L’insécurité est un problème grave, il serait naif de le nier. Mais il serait encore plus naif de croire que la même institution qui l’a engendrée, l’Etat, puisse désormais le résoudre, la naiveté atteignant son paroxysme dans un pays comme la France ou le pouvoir est resté dans les mêmes mains (la main gauche et la main droite) depuis des décennies.