le socialisme ultime

Le dernier résidu de socialisme reste encore l’appropriation « collective » d’un territoire par les hommes de l’Etat. Et si c’était cela la cause ultime de la guerre sous toutes ses formes?

Une réponse pertinente de Guy Millière suit l’article. Je remercie François Guillaumat de m’avoir inspiré cette réflexion. Il avait diffusé le texte d’un objectiviste randien dont l’appel émotionnel à l’utilisation de l’arsenal nucléaire (1) posait si cruellement le problème des victimes innocentes qu’il avait suscité une vive réaction de Martin Masse et de moi-même (indécrottables libertariens que nous sommes). En réponse, François Guillaumat m’écrit : « L’intérêt de ce texte consiste en ce qu’il rappelle ce que je considère comme le message le plus essentiel – parce que pertinent et méconnu – que nous autres libéraux puissions apporter à ce débat. À savoir que le problème est né du socialisme: socialisme accepté par tous les gouvernements, de droite comme de gauche, qui reconnaît de prétendues « richesses nationales » et ne traite pas comme le crime qu’il est le vol que constitue la prétendue « nationalisation » des tout aussi prétendues « richesses naturelles ». »

Cette réponse que j’approuve a des implications considérables parfaitement en harmonie avec ce que les scientifiques de l’école autrichienne d’économie ont établi, à savoir le caractère absolument contraire au Droit de toute structure étatique, à savoir que le socialisme est à la fois économiquement désastreux et éthiquement faux.

Or, chez les libéraux classiques, les « combattants de la liberté » comme Guy Millière se qualifie maintenant, il subsiste un socialisme ultime dont on peut se demander dans quelle mesure son élimination ne conduirait pas à un monde pacifié. Il est vrai que ce progrès dans la cohérence les amènerait tout droit dans le camp des hérétiques libertariens anarcho-capitalistes. Mais l’essentiel n’est pas de choisir son camp, il est de rechercher le vrai.

Ce socialisme ultime est la nationalisation du territoire, la socialisation de la surface du globe et principalement de la parcelle dont l’Etat français a le monopole. Car il s’agit bien d’une socialisation dans la mesure où la
propriété privée d’un terrain est purement formelle. Elle est soumise à des réglementations étatiques qui réduisent au statut de pure farce le principe libéral « je fais ce que je veux avec ce qui m’appartient et rien qu’avec ce qui m’appartient ». On peut lire à ce sujet, de François Guillaumat, « La politique du décalogue »(www.liberalia.com): « C’est en cela que le libéralisme s’oppose à l’étatisme [et à l’Etat!] : pour lui, un voleur, un assassin ne sont pas ceux qui ne passent pas par les procédures étatiques reconnues pour dépouiller leur prochain ou l’expédier ad patres : pour le libéral, à l’inverse du démocrate-social qui se fait souvent passer pour lui, le voleur est celui qui s’empare du bien d’autrui sans son consentement ; quels que soient l’agresseur, la victime, le motif du vol, la destination du butin, les « besoins » des receleurs, ou encore le nombre de personnes qui approuvent ce vol ou nient qu’il en est un. »

Un Etat minimum, chargé de la seule police des droits de propriété, n’y changerait rien puisqu’il présuppose la propriété collective d’un territoire. De cette propriété collective, un gouvernement «libéral» pourrait
bien vouloir ne pas en user pour en déléguer (et pas l’inverse en réalité) les droits à des personnes privées, cela ne changerait rien au fait que l’Etat impose son «monopole de la violence» et son droit sur tout le territoire. Ce socialisme ultime, seuls les libéraux conséquents l’ont reconnu et critiqué : Rothbard, Hoppe, Salin…(2)
Ainsi, chaque fois qu’un « libéral classique » justifie une opération militaire étatique il doit savoir qu’il justifie le socialisme ultime c’est-à-dire la cause fondamentale des conflits: l’appropriation par une mafia étatique d’un territoire. La contradiction peut sans doute être soutenable pragmatiquement, en cas de légitime défense, mais elle ne saurait être rationnellement et durablement justifiable. Les socialistes sont dans l’erreur, nous le savons et les Mises,Hayek, Rothbard, Hoppe, Salin en ont
ramené plus d’un à la raison. Mais les «libéraux classiques» ne pourront pas indéfiniment perpétuer cet «arrêt de la pensée». Ils devront bien un jour abandonner leur socialisme ultime.

(1) « La question est simple : notre problème est né lorsque nous autres Américains, au lieu de défendre notre intérêt rationnel, avons donné de l’argent à des sauvages en les laissant nous voler les champs de pétrole.
Il sera résolu lorsque nous emploierons notre force, y compris notre arsenal nucléaire, pour écraser la malfaisance de leurs États, reprendre ce qui nous appartient, et coloniser les territoires où errent aujourd’hui les sauvages. » http://capmag.com/article.asp?ID=1117

(2) Voir H. Hoppe :
http://www.lemennicier.com/de%20l’Etat/contre_centralisme.htm et Pascal
Salin, libéralisme, Odile Jacob, 2000