Culture d’Etat

Tous les jours je mesure ma chance, celle d’habiter la France. Dans ce beau pays1, je bénéficie de services exceptionnels! Je prends le RER2 tous les matins, grâce à la RATP3 et à la SNCF4 , et je profite des grèves inpromptues, des retards dus à des incidents divers mais tous les jours renouvelés, tout cela pour un prix dérisoire: 100 euros5 par mois environ. D’autres services me seraient d’une utilité plus grande encore, si mon état de santé me permettait d’en profiter. Mais je suis en pleine santé, alors je paye en vain la Sécurité Sociale. Propagande sur les ondes

Autant je reconnais que dans l’ensemble la RATP fonctionne «plutôt bien»6 , autant certains «services publics» me sont réellement insupportables, et c’est le cas notamment de l’audiovisuel public. Le contenu y est particulièrement indigeste et pour tout dire franchement anti-libéral, tout le temps dans une ligne gauche toute, gauche-caviar certes avec Drucker, Ruquier ou Ardisson7, mais définitivement anti-libérale. Même les émissions «scientifiques» ne sont pas exemptes de propagande: un reportage sur les inondations dans le sud de la France? Passées les explications sur la formation des nuages, voilà tout de suite brandi le «réchauffement planétaire» et l’impérieuse nécessité d’appliquer le protocole de Kyoto…

A la radio ce n’est pas mieux: entre France Culture, France Infos et Radio France Internationale, il n’y a rien à sauver. A tel point que je ne peux plus écouter France Infos. Quand je dis insupportable, cela revêt un sens quasi-physique: entendre parler des résistants palestiniens quand un taré se fait sauter au milieu d’écoliers, de la débacle des néo-libéraux du FMI (sic) à propos de l’Argentine (où sévit la faim désormais) et de la victoire du capitalisme sauvage en Russie parce que les mafias y font la loi…. tout cela me fait hurler, au sens propre du terme!

Le mode de financement de ce secteur public est à la mesure des inepties qu’il nous sert. Pourtant, une bonne partie des radios et télés publiques sont financées par… la publicité! France Infos fait beaucoup d’audience par exemple, et les chaînes de télés ont tout de même une puissance non-négligeable: 3 sur 6 hertziennes, 3 sur 5 en non crypté (France2, 3 et 5). Elles sont donc tout de même vues et écoutées, il n’y a aucun doute là-dessus, mais quel dommage puisqu’elles peuvent ainsi distiller leur propagande.

Financé par vos impôts

Une autre partie du financement revient à la «redevance télé»: un impôt forfaitaire8 assis sur le fait de posséder une télé dans un foyer donné. N’oubliez pas de déclarer votre télé, et si vous le faites, ne vous abonnez pas au satellite ou à une chaine cryptée: le fisc consulte les fichiers d’abonnement et envoie des lettres aux abonnés. Quand à la télé de votre maison de campagne, que vous ne pouvez en tout état de cause pas regarder en même temps que celle de votre domicile principal, payez tout de même!

Malgré la profonde absurdité de cette taxe et son coût de recouvrement très élevé (1500 personnes pour 1,5 milliard d’euros prélevés) elle perdure. Sa remise en cause perpétuelle, budget après budget, ne l’inquiète jamais: elle donne lieu à de grandes crises de larmes sur la nécessité de maintenir un «service public audiovisuel» fort, pour que la culture ne soit pas marchandise et que sais-je encore.

Avec un gouvernement dit «de droite», on aurait pu attendre un mieux, un répit à défaut d’une décrue. Que nenni, Jean-Jacques Aillagon, ministre de la Culture9 a demandé un rapport à Catherine Clément10 , écrivain, sur l’état de la culture dans l’audiovisuel public. Sans même poser un diagnostic ou établir des faits, l’introduction du rapport préconise d’inscrire dans la Constitution l’obligation pour l’Etat d’entretenir un secteur public audiovisuel! Au nom de quoi? Tenez vous bien: de «l’efficacité symbolique»!

Pas de répit en vue: l’audiovisuel public résiste à tous les gouvernements

Dans son rapport elle se plaint aussi des chaînes spécialisées dans la culture: Arte/France511 par exemple réalise des audiences extrêmement basses. Elles sont qualifiées de «ghetto culturel». Quoi de plus normal cependant que des programmes nécessitant une forte culture générale, une capacité de raisonnement au-dessus de la moyenne, et un intérêt certain pour des sujets à priori abscons soient peu regardés? Finalement ces «ghettos culturels» sont surtout des ghettos à bobos, les «bourgeois bohêmes», qui financent ainsi leurs passions sur le dos des autres. Vouloir saupoudrer cette culture souvent insipide sur les autres chaînes, et vous gâterez immanquablement leurs programmes. Sans compter que le positionnement thématique serait perdu, rendant illisible l’orientation des chaînes «généralistes» (propagande tout azimuth devrait-on dire).

La solution ici est évidente: de même qu’il existe des chaînes documentaires, d’autres de foot, de pêche à la ligne et des pornographiques en veux-tu en voilà, pourquoi n’y aurait-il pas une chaîne culturelle? Mais peut-être que seul l’Etat peut définir ce qu’est la culture?

Il semblerait que oui, et même au-delà: il serait du devoir de lÂ’Etat que de la dispenser12. Si la télévision était un simple vecteur de divertissements, mais non, elle est bien plus, il faut donc que lÂ’Etat la contrôle. Sans Etat, point de culture, les gens sont inertes, le peuple est idiot, il faut l’éduquer. Il faut le guider par des signes forts, et au besoin lui imposer la «culture» avec son propre argent! Porter la télévision à la Constitution cÂ’est «l’élever à la dignité quÂ’elle mérite»13. Il faudrait même lÂ’y inscrire pour la «sacraliser», la rendre intouchable, certainement aussi incritiquable et inamovible, comme lÂ’Education Nationale, autre pierre angulaire de l’endoctrinement par l’Etat.

L’Etat nous impose sa culture

Evidemment, il en serait terminé de l’horrible «course à l’audience», obligeant les chaînes publiques à abaisser le niveau «culturel» de leurs programmes. Evidemment les recettes publicitaires, déjà maigres par rapport au privé, baisseraient d’autant. Mais qu’importe, la culture, la vraie, celle des lobbyistes infatigables et des amis des hommes de l’Etat, et des ministres eux-mêmes serait enfin «garantie»!

Inévitablement le rapport se termine par un appel voilé à la taxation: «Sans financement suffisant, tout le monde le sait, Monsieur le Président [nda : de la République], l’audiovisuel public aura du mal à suivre». Après avoir détruit lÂ’audience, il faudra en effet trouver dÂ’autres ressources que publicitaires! Quel aveu d’ailleurs: le secteur public ne peut pas suivre le privé, preuve s’il en était besoin que celui-ci répond parfaitement à la demande et n’a pas besoin de l’Etat pour satisfaire ses clients.

Bien qu’à l’heure actuelle aucune des préconisations du rapport et le brouhaha médiatique résultant n’ait été suivi d’effet, il est possible qu’un jour le service public audiovisuel soit inscrit dans la Constitution. Mais cela n’empêche pas que je doive quoiqu’il arrive le financer. Au moins les chaînes privées ne me forcent pas à les payer quand je ne les regarde pas, et je finance uniquement ce que je veux voir. La culture? Pas d’inquiétude, j’ai déjà trouvé ma chaîne culturelle, qui correspond à ma définition toute particulière de la culture: GameOne. 1 Comment appeler un territoire donné ? Dire « notre pays» équivaut à le collectiviser, « mon pays » à me l’approprier. Voir à ce sujet « Le socialisme ultime » de Marc Grunert.
2 Réseau Express Régional
3 Régie Autonome des Transports Parisiens
4 Société Nationale des Chemins de Fer
5 mais pour savoir ce que ça coûte réellement il faudrait aller plus loin que mon calcul : coût réel = taxe transport sur le salaire + prix de la carte – subvention de l’entreprise, car je ne connais pas le montant des subventions de l’Etat à la RATP et encore moins celles à la SNCF !
6 comme diraient les sondeurs : « bien », « plutôt bien », « moyen », « plutôt mal », « mal ».
7 tous trois animateurs sur France 2, et donnant complaisamment la parole à Bové, Laguillier, et toute l’intelligentsia de gauche, dont Gerard Miller, un maoïste jamais repenti, toujours campé dans sa rigueur idéologique…
8 plus de 110 euros, avec de multiples exemptionsÂ…
9 nous aussi on en a un, depuis le général de Gaulle, grand homme (1m90) dit de «droite»
10 rapport disponible ici : documentation française
11 une seule et même chaîne, mais émettant sur des créneaux horaires différents.
12 Cf cet article du Monde : « Inscrire la télévsin publique dans la Constitution » Le Monde
13 idem
14 Le Monde : « privatiser ce n’est pas une bonne idée » Le Monde