Le point sur l’Irak

Pas de chance, en tournant les pages de 20 Minutes pour trouver les mots fléchés, la seule page intéressante selon moi, je suis tombé sur une interview de Pascal Boniface, directeur de l’Institut des relations internationales et stratégiques.

Dans le contexte français, il est considéré comme l’un des spécialistes de la géostratégie, et pourtant… A la question: « quel bilan tirer de la lutte contre le terrorisme ? », il répond:
PB: après des succès initiaux […] il est frappant de constater la multiplication des attentats dans le monde

Dans le monde sauf en Europe et en Amérique du Nord et du Sud, ni au Japon, Australie. Le monde est petit. Surtout quand on exclut le tiers de ce monde. N’était-ce pas l’un des buts, après le 11 septembre 2001, de faire en sorte qu’il n’y ait pas d’autre 11 septembre ? Pour l’instant, c’est réussi! La menace terroriste se limite aux pays du Tiers Monde, sous développés, sans police un tant soit peu efficace, avec des réseaux locaux bien en place et recrutant dans la population locale, bref on est loin du terrorisme du 9/11.

les mouvements terroristes se sont très bien adaptés ajoute-t-il.
Sans conteste: ils se sont adaptés à la traque constante, et en fait d’adaptation ils se sont réduits à des groupes locaux. Fini les appels internationaux, les attentats minutieusement préparés. Place aux « car bomb », à la basse technologie, à l’imagination pauvre, et au retentissement moindre.

20 Minutes: « Vous estimez que les Etats-Unis se sont trompés de stratégie ? »
PB: Pour lutter contre le terrorisme, il faut non seulement des moyens militaires mais aussi des solutions politiques.

Implanter une démocratie au coeur du merdier arabe, c’est pas une solution politique ? Ou une solution politique c’est peut-être passer des contrats pétroliers avec des crapules dictatoriales, voire même des criminels cherchant à se doter de l’arme atomique comme en Iran ? Présenter une alternative à la dictature éternelle et à la misère sans fin, c’est pas une solution définitive au terrorisme islamique ?
Se battre contre le terrorisme est une lutte sans fin. C’est l’énorme risque à déclarer la « guerre au terrorisme »: une guerre éternelle. Alors la meilleure chose à faire c’est mettre fin au marasme moyen oriental, et c’est cette tâche titanesque qui est entreprise aujourd’hui en Irak.
Ce qui est en jeu, c’est le futur de cette région: elle est laissée aux mains des dictateurs et des islamistes, ou sous l’impact de l’établissement d’une démocratie elle prend un tournant vers la liberté. Et c’est le terreau du terrorisme qui s’évanouit.

PB: « tant que le conflit israélo-palestinien ne trouvera pas de solution, il est certain que les terroristes rencontreront ici où là un écho favorable »
Certes, mais quand les chaînes de télé cesseront de diffuser 24/24 des discours sur l’enfer qu’est Israël et pourquoi les Juifs doivent être éliminés par la force partout où ils se trouvent, cet « Ã©cho » sera nettement limité en puissance!

PB: »Si les solutions les plus dures combattent effectivement le terrorisme aujourd’hui, elles le nourrissent demain »
Encore un stratège à courte vue! S’il ne comprend pas que l’Irak sert de papier tue-mouche pour les terroristes existants, car plus facile d’accès pour les wannabe terroristes moyen-orientaux (idiots utiles de Saddam venus mourir en masse en avril dernier!), et que l’établissement d’une démocratie ou au moins de terre plus libre que les pays aux alentours représente la solution politique, il devrait céder sa place à un autre… disons Ludovic Monnerat par exemple ?
Et puis s’il n’a toujours pas compris que depuis 20 ans la solution diplomatique ne marche pas, ou du moins qu’elle n’était peut-être pas suffisamment appuyée militairement, on ne peut vraiment rien pour lui!

PB, au sujet de l’éventuelle réelection de Bush: »s’il n’y a pas de succès en Irak, en Afghanistan ou au Proche Orient, et si le terrorisme continue de frapper régulièrement, la logique voudrait que l’on remette en cause la politique »
Si il n’y a pas de succès en Irak ? Une victoire militaire de cette ampleur sans pertes majeures, et il se pose encore la question d’un succès ? Evidemment il reste énormément à faire, mais tout de même! L’Afghanistan a été nettoyé et les talibans sont toujours là, mais cachés dans les montagnes au sud est, pourchassés par des F16 en l’air, et des troupes peu nombreuses mais super entraînées, motivées, bien armées au sol! Tout le contraire des 200.000 Russes dans les années 80 (les soldats US sont 10.000). Fixer les talibans en Afghanistan plutôt qu’ils essaiment en Tchétchénie, en Malaisie, en Indonésie, voilà une belle réussite non ?
Quand au Proche-Orient, il faut attendre un an ou deux et voir ce que va devenir l’Irak. En croisant les doigts pour que l’ONU foute pas son nez dedans, ou les fonctionnaires américains!

Faut-il apaiser ses ennemis ou les réduire par la force ? Sont-ils capables parfois de comprendre autre chose ? Quelle est la psychologie de l’ennemi ? Son idéologie profonde ? Est-il possible de substituer un mode de pensée rationnelle à l’irrationalité ambiante au Moyen Orient ?

Visiblement ces questions n’ont pas traversé la tête de Pascal Boniface: penser out of the box, ça ne doit pas lui arriver bien souvent.