Un discours à la gloire de Satan

A la suite d’une invitation à lire et éventuellement signer la pétition sur la recherche mentionnée ici par Claire, voilà la réponse que j’ai reçue sur une mailing-list:

Mais… ce sont des chercheurs de la recherche publique qui lancent cette petition. Des gens qui se financent par de l’argent vole par l’etat sous forme d’impots. Comment peux-tu les soutenir?

Voici ma réponse. Quand on a reproché à Churchill de soutenir Staline contre Hitler, celui-ci a déclaré: « si le diable en personne attaquait le 3ème Reich, je courrai à la Chambres des Communes faire un discours à la gloire de Satan ».

Quand on doit décider de soutenir ou non une action, ce ne sont pas les personnes mais les actions qu’il faut juger. Ne vous y trompez pas : je ne recours absolument pas à l’argument 68ard selon lequel personne n’a le droit de juger un être humain – pour moi, tout le monde a le droit de juger tout le monde, parce que l’exercice du jugement appartient au cercle de la pensée, qui se produit à l’intérieur de la propriété stricte et inacessible de tout individu : son esprit. J’ai soutenu l’abominable Bush lorsqu’il a décidé de mettre fin à l’encore plus abominable régime Baath’iste, comme je soutiens dans leur lutte pour la légalisation des drogues des groupes gauchistes dont je sais pourtant que leur but ultime est de mettre en place un système bolchévique. Mon jugement, je l’exprime sans réserve : tous les hommes d’Etat sont des délinquants et des criminels ; tous les bolchevistes sont complices par leur silence des crimes qui sont commis aujourd’hui encore par leur amis ; mais cela ne fait pas de chacune de leurs actions un délit ou un crime.

Même Le Pen, comme le chantaient si bien les Inconnus, ne dit pas *que* des conneries. C’est impossible, aussi impossible que d’être parfait. Comme le me rappellent innocemment certains, croyant que je n’en ai pas pleinement conscience, le monde n’est pas tout blanc ou tout noir. Même Arlette Laguiller peut avoir de bonnes idées. Même Chirac, même Hollande, sont capables de faire quelque chose de bien. Même l’Abbé Pierre peut faire des conneries, des grosses mêmes. Murray Rothbard, un des plus grands théoriciens de la Liberté qui ait jamais existé, s’est en son temps en partie fait avoir par la propagande soviétique – il se méfiait tant de son propre gouvernement qu’il s’est trop vite opposé en bloc, commettant là une lourde erreur qui pèse encore son poids aujourd’hui (1)

Le plus important, c’est de ne jamais se compromettre face à ses propres idées, et de ne jamais se mentir à soi-même en laissant persister la plus petite incohérence. L’incohérence, cela peut paraître un concept abstrait et ennuyeux ; pourtant c’est la raison même pour laquelle les communistes, avec toutes les bonnes intentions de la plupart d’entre eux, n’ont pas sur voir arriver la catastrophe dans laquelle ils jetaient corps et biens les peuples qu’ils voulaient sauver. C’est la raison pour laquelle ceux-là mêmes qui s’étaient donné pour mission d’empêcher à jamais l’horreur nazie de revenir font bouillir à nouveau la marmite ancestrale de la haine du Juif. C’est la raison pour laquelle aujourd’hui encore, des deux côtés de l’Atlantique et pour différentes raisons, on arrive à croire que la Guerre c’est la paix, et que la Paix c’est la guerre.

La politique n’est pas faite pour les paresseux. La paresse intellectuelle peut tuer, lorsqu’on se trompe de cible et s’égare pour longtemps sur des chemins périlleux où rampent les bonnes intentions irraisonnées comme autant de serpents ; et les voies de l’Histoire sont jonchées de mines antipersonnel qui arrachent les pieds des enfants, de maladies incurables et de crises économiques qui, tuant vite ou lentement, n’en font atrocement souffrir.

Si vous ne voulez pas vous plonger dans la théorie, si l’économie vous ennuie, si vous ne vous donnez pas la peine d’écouter Arlette Laguiller à la télévision parce que c’est Arlette Laguiller, ni Le Pen parce que c’est Le Pen, que vous n’avez jamais lu Le Capital parce que c’est « un bouquin de communistes, et chiant en plus », ni Mein Kampf (« quoi, ca existe en français??? »), ni, tenez, dans un autre registre tout de même, l’Ethique de la Liberté « jamais entendu parler » hé bien faites coiffeur, ingénieur, boulanger, ou même rentier, ou fonctionnaire, mais je vous en supplie, ne vous mêlez pas de politique. Les enjeux sont tout simplement trop élevés pour les cuistres. 1: Rothbard, qui avait pourtant l’esprit critique aigisé, a ainsi répété par paresse intellectuelle pas mal de mensonges communistes pendant la guerre froide. Ceci devrait rappeler à chaque libéral à quel point il est aisé, même pour les meilleurs d’entre nous, de tendre le bâton pour se faire battre.