60 ans (2)

Au moment du coup d’Etat créant l’organisation de la sécurité sociale par ordonnances (octobre 1945), certains hérauts avançaient deux arguments prétendument rationnels pour ne pas être accusés d’idéologie primaire.

L’un avait trait au coût trop élevé que les firmes d’assurance feraient supporter aux assurés en leur offrant une assurance-maladie ou une assurance-vie en cas de vie (retraite). On remarquera en passant qu’à l’époque, ils savaient au moins distinguer les cotisations, les prestations et le coût de gestion de l’adéquation des cotisations aux prestations, i.e. le coût de fonctionnement. Aujourd’hui, ils taisent ce coût dans le cas de l’organisation de la sécurité sociale, alors que c’est l’élément essentiel à prendre en considération !

L’autre portait sur l’instabilité du marché financier et l’incertitude – conséquente selon eux – à propos du niveau des retraites qui seraient servies. On remarquera, là encore en passant, qu’ils oubliaient de signaler les destructions occasionnées par les politiques monétaires et financières désastreuses qui étaient suivies et qui contribuaient à cette instabilité. Ils méconnaissaient que les politiques donnaient l’illusion de la certitude jusqu’au jour où…

Il reste que depuis 1945, à aucun moment, le coût de fonctionnement de l’organisation de la sécurité sociale n’a été comparé ni au coût de fonctionnement du marché de l’assurance hier, ni à celui du marché de l’assurance contemporain, par exemple dans tel ou tel pays étrangers pour ne pas parler du marché à la mesure du monde.

Et pour cause: les organismes de sécurité sociale n’avaient pas de comptes à rendre ! Et ils n’ont pas eu de compte à rendre jusqu’à récemment (cf. d’une part, la discussion du billet du 20 avril 2004 et en particulier le post du 15 mai et, d’autre part, par exemple, non seulement les rapports annuels de la Cour des Comptes depuis 1995, mais aussi certains rapports antérieurs).
Et les comptes qu’ils commencent à rendre ne sont, pour le moins, guère convaincants (cf. mon commentaire « 60 ans (1) « ).

Il reste encore que pour soi-disant faire face à l’instabilité du marché financier et sécuriser le niveau des retraites, les socialo-communistes de 1945 ont choisi de faire reposer l’organisation en construction non pas sur la « capitalisation » pratiquée jusqu’alors par le marché de l’assurance, mais sur ce qu’ils ont dénommé la « répartition ».
Par là même, ils instillaient dans l’esprit des Français un parallèle sans fondement entre, d’un côté, les techniques, applications du principe économique d’actualisation/capitalisation des valeurs, et, de l’autre, la répartition qui n’est qu’une réglementation de plus limitant la liberté d’action de chacun et n’a rien de technique.
Bien plus, par là même, ils dissimulaient le fond de la répartition, à savoir l’obligation de cotiser à l’organisation en situation de monopole paraétatique ou, si on préfère, la « spoliation légale » (selon l’expression de Vilfredo Pareto). Cela a été souligné encore récemment par la Cour de Justice des Communautés Européennes (arrêt Garcia).

Certains, honnêtes et conscients du « fondement non technique », n’ont pas hésité à faire valoir – pour sauver la logique – que la répartition obligatoire était comparable à une quasi technique, à une « technique protégée ».

Ce parallèle, sans fondement ou avec ce pseudo-fondement, doit être dénoncé avec la plus grande force pour la raison qu’il est de l’ordre du « bourrage de crâne » et cache une double réalité, de fait incontournable.

L’une a été aussi chère à des auteurs du XIXè siècle tels que Frédéric Bastiat ou Alexis de Tocqueville qu’elle a été bannie par nos matérialistes de la mi-XXè siècle, c’est la perfectibilité de l’être humain libre et donc de ses actes. Je n’y insiste pas.

L’autre en procède, c’est le choix technique inéluctable, le seul choix possible entre innover ou disparaître.
Alors que les techniques de capitalisation – de fait du marché financier – ont été perfectionnées en tant que techniques et le seront en permanence, la répartition obligatoire qui n’est pas technique ou pseudo technique, ne l’a jamais été et ne le sera jamais.
Et l’expérience l’a prouvé une fois de plus dans la période récente. Les techniques financières, leurs tenants et leurs aboutissants ont changé dans une mesure inimaginable en 1945 et à une vitesse significative ces vingt dernières années (cf. par exemple Greenspan). Pour sa part, la répartition obligatoire n’a pas connu le moindre changement, et pour cause !
En conséquence, même jugée à cheval sur une « technique protégée », l’organisation de la sécurité sociale en situation de monopole paraétatique a englouti des ressources et fait supporter des dépenses croissantes, l’ensemble donnant lieu à un « coût de fonctionnement » croissant quoique non évalué par ceux qui devraient le faire.

Mais l’expérience l’a montré: le coût de fonctionnement augmente jusqu’au jour où il n’est plus supportable (entre autres, à cause du manque de ressources à engloutir), où la protection doit être abandonnée et où ce qui en procède disparaît alors.
La situation où l’organisation de la sécurité nous fait nous trouver aujourd’hui est la veille de ce jour.

Ce n’est pas parce que personne ne parle de ce coût de fonctionnement – en particulier, que ce coût n’est pas évalué comme il devrait l’être -, que la réalité de son augmentation n’exerce pas son effet sur l’organisation de la sécurité sociale : innover ou disparaître.

Ne pouvant innover par construction, l’organisation ne peut que disparaître.