Le RSI

Fin juin dernier -2005-, le ministre des PME, du commerce et de l’artisanat a installé le « régime social des indépendants » (RSI).

Le phénomène est passé inaperçu. Il est pourtant très important puisque, sous prétexte de simplification, le RSI est substitué en droit à l’Organic (la caisse nationale de retraite obligatoire des commerçants), la Cancava (la caisse nationale de retraite obligatoire des artisans) et la Canam (la caisse nationale de sécurité sociale maladie obligatoire des commerçants et artisans), lesquelles emploient plus de 7000 personnes.

Il est d’autant plus important qu’il démontre que ses instigateurs se moquent en définitive, d’une part, des maigres enseignements qu’on peut tirer de l’expérience de l’organisation de la sécurité sociale obligatoire depuis 1945 et, d’autre part, de la conjoncture juridique (en matière des relations entre le droit de la sécurité sociale et le droit communautaire).

Avant toute chose, qui sait qu’il devrait entrer dans la pratique le 1er janvier 2006 ?

Il est d’abord à remarquer que la chambre de métiers et de lÂ’artisanat de l’Ile de la Réunion négocie actuellement avec le ministère de la Santé la mise en place dÂ’un plan dÂ’apurement des dettes sociales en faveur des entreprises qui ne sont pas à jour de leurs cotisations.
Si les chefs dÂ’entreprise cotisent naturellement au régime dÂ’assurance maladie, ils nÂ’ont jamais voulu, en revanche, sÂ’affilier aux organismes de retraite, jugeant le niveau des cotisations trop élevé et celui des pensions trop bas. En dépit du plan dÂ’apurement des dettes sociales mis en place dans le cadre de la loi dÂ’orientation, 80% des PME seraient toujours en situation irrégulière (au moins dans l’Ile de la Réunion, si on lit les journaux locaux). Difficile, dans ce contexte, dÂ’imposer du jour au lendemain un nouveau régime.
Eric Magamootoo, le président de la chambre de commerce et dÂ’industrie de l’Ile de la Réunion, s’était déjà ému de cette situation avant de rendre public un courrier adressé à la caisse nationale dÂ’assurance maladie (CNAM). Un courrier dans lequel il souhaitait que des mesures dÂ’ajustement soient mises en Âœuvre.
Giraud Payet, son homologue de la chambre de métiers, lui a emboîté le pas, estimant qu’on ne pouvait pas “bloquer les comptes des artisans sous prétexte qu’ils n’étaient pas à jour de leurs cotisations”. Giraud Payet maîtrise parfaitement cette question : il en avait fait l’une de ses principales thématiques de campagne au moment des élections consulaires et promis à ses électeurs de trouver une solution à leurs problèmes. Le successeur de Jocelyn de Lavergne n’a pas oublié ses promesses, mais sa position est aujourd’hui plus nuancée : entre un rejet pur et simple du dispositif et son adaptation, le président de la chambre de métiers plaide pour la deuxième hypothèse. Depuis six mois, il a multiplié avec sa majorité les entretiens à Paris.
L’idée consisterait à aligner les départements d’outre-mer sur le droit commun dans cinq ans seulement. Les cotisations ne seraient plus assises sur la moitié des revenus professionnels comme le prévoit la loi, mais seulement sur 10% de ces revenus la première année, puis 20% la seconde et ainsi de suite. En réduisant l’assiette de calcul, les sommes versées par les artisans seraient mécaniquement moins élevées. “Il faut harmoniser les régimes de protection sociale en France. Les prestations sociales offertes aux indépendants doivent être au moins équivalentes à celles dont bénéficient les salariés dans le cadre du régime général. Or ce n’est pas vraiment le cas actuellement”, regrette Giraud Payet. Sans s’avancer, le président de la chambre de métiers a laissé entendre que le gouvernement ne resterait sans doute pas sourd à ses propositions.

Cela étant, écrire que les instigateurs de la réforme ne tiennent aucun compte des enseignements de l’expérience depuis 1945 se justifie quand on sait que la grande réforme de 1967-68 a consisté justement à distinguer en particulier sécurité sociale maladie et sécurité sociale retraite pour tenter de voir clair, à défaut d’empêcher certains abus. Vouloir fusionner la maladie et la retraite est un scandale sauf si, pour les instigateurs, c’est de bonne guerre: puisque certains assujettis ne versent pas les cotisations retraite qu’ils devraient verser – « et qu’on n’ose pas les poursuivreÂ… » – et qu’ils versent des cotisations maladie, « on va les prendre au piège d’une cotisation unique » !

S’agissant de la conjoncture juridique et par exemple, que va devenir la CSG qui n’a rien à voir avec la cotisation de retraite obligatoire ?

Y aura-t-il une CSG pour, en particulier, les salariés de l’industrie et du commerce, et pas de CSG pour les commerçants et artisans ?

La conjoncture juridique va se compliquer encore un peu plusÂ… Vive la simplification gouvernementale !

Ou alors, le gouvernement se rend compte qu’il est acculé par le droit communautaire et il cherche à temporiser et trouve les parades qu’il peut.